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Une équipe, c'est aussi une organisation du travail

Franz Wilhelm Seiwert  (1894–1933), extrait de la très riche page consacrée à la représentation du travail dans la peinture https://hisculture19.hypotheses.org/1556


(suite des posts dédiés au travail en équipe)


 

Les attributs de l’équipe intègrent à la fois un partage de valeurs ET des dimensions organisationnelles ; ces deux traits traversent le métier et font que l’enseignant est un professionnel dans une organisation au sein de laquelle il est acteur et contributeur. Ce qui se passe dans sa classe est en grande partie déterminé par le cadre lui-même.


Se donner une identité de groupe, la technique du blason

La formalisation par l’écriture est un moment obligé dans le travail d’équipe afin de dépasser le niveau « salle des profs » ; la mise en mots permet de faire des choix et de mieux communiquer ensemble puis à l’exté-rieur. L’écriture collective peut s’enrichir de supports métaphoriques simples, et efficaces : c’est le cas de la technique du blason.

 

Un blason partitionné (c’est le terme héraldique, chaque partie a une attribution de thème, modulable selon les cas) peut être proposé à chaque membre, à un binôme ou un trio, puis les productions sont exposées au groupe. On détermine ensemble ce que sera le blason du projet de l’équipe. Par exemple, un groupe peut proposer le blason présenté ici. Ensuite chaque groupe défend son blason et on synthétise par « quartier». Au-delà du   support emblématique et « identitaire », c’est bien un processus d’élaboration collective et progressive qui est à l’œuvre. Trace symbolique et tangible de la structuration d’une équipe.

 

Voir aussi le post sur les 10 mondes de l'enseignant (et les valeurs)


Par exemple, au collège Georges-Braque, à Rouen, les pratiques pédagogiques sont étroitement liées à l’organisation : la mise en œuvre de séquences de cours de 82,5 minutes au lieu de 55 minutes dans toutes les matières où le temps d’enseignement contribue à augmenter le temps réel de travail des élèves rencontrant des difficultés à s’atteler à la tâche. Les séquences deviennent plus variées : co-intervention, travail de groupe, pédagogie différenciée ; les temps sont plus ramassés et évitent ainsi l’effet de zapping ; ils sont vraiment « en classe ».

 

Dans le même esprit, au collège Pablo-Neruda, à Évreux, dans un dispositif NERUDA (Nouveaux élèves en réussite, unis pour le développement des ambitions), l’équipe s’est donné les moyens de « travailler autrement » : en ramenant le cours de 60 minutes à 50 minutes, l’équipe utilise le temps gagné en densifiant son offre de formation. Deux séances sont consacrées à la mise en place d’un pôle de compétences, en interdisciplinarité avec travail sur l’acquisition ou le renforcement de compétences (et évaluation). Chaque pôle est assuré par un binôme de professeurs, responsable d’un groupe (1 h 30 par semaine pour chaque classe). Chaque élève doit travailler sur quatre à cinq pôles différents par année scolaire, et dans l’idéal les compétences travaillées dans chaque pôle doivent être différentes. Le temps de concertation, obligatoire inclus dans le service du professeur (une séance hebdomadaire), sert principalement à travailler en équipe (le binôme) sur l’organisation du pôle de compétences..

 

Un conseil de classe permanent, forme rénovée de l’heure de vie de classe, est assuré en heure de quinzaine par l’un des deux professeurs principaux, avec un renforcement de la coopération enseignant- CPE. L’évaluation par compétences est largement rentrée dans les pratiques pédagogiques. Les professeurs de collège ont des contacts réguliers avec les professeurs des Écoles. Des dispositifs (Ex : Défi lecture – Maths en folie – les olympiades…) sont développés conjointement entre les sections de CM2 et le niveau sixième. Une concertation a lieu en fin d’année scolaire entre enseignants des premiers et seconds degrés afin de mettre l’accent sur les besoins spécifiques identifiés pour chaque élève dans un souci de continuité des apprentissages afin de valider le palier 2 et de développer l’acquisition de compétences pour le palier 3.

 

Ces deux exemples de pratiques collectives attestent des avancées importantes eu égard aux critères de l’enquête TALIS cités en début de chapitre. Le métier plus collectif rend l’enseignant solidaire de choix mutuels et régulés, où chacun exerce sa responsabilité, débutants comme plus anciens.

 Je n’ai pas été formé pour travailler en équipe, encore moins pour coordonner une équipe.

 

COMMENT ORGANISER LE TRAVAIL EN ÉQUIPE

Travailler en équipe n’est pas un contenu à enseigner, mais une compétence nécessaire pour enseigner aujourd’hui ; ce sont des actes de la pratique professionnelle qui ne trouvent sens et intérêt que très contextualisés. On pourrait cependant l’envisager en formation initiale comme modalité de travail d’un ou plusieurs modules, histoire d’éprouver ses propres résistances, sa capacité à négocier, dans le cadre des INSPE, non ?

 

Où en est votre établissement ?
Est-ce que mettre ensemble des professeurs suffit à faire une équipe ?

Le travail d’équipe crée de l’animation, voire de la perturbation dans l’établissement. La direction pédagogique

implique dans un même projet enseignants et direction. Elle se manifeste par des signes concrets que Françoise Cros, au Centre européen pour l’innovation en éducation et formation, a relevés1 à l’issue d’une étude comparée sur un certain nombre d’établissements. Ce sont des repères utiles pour analyser la situation dans votre école ou établissement.

 

Voici sept critères possibles marqueurs du travail en équipe.

❏ Il existe un laboratoire d’idées qui permet la répartition de rôles et de responsabilités, la prise de compte de choix collectifs.

❏ Il y a des investissements de forme : moyens matériels alloués (crédits, heures rétribuées, salles, temps), réunions de travail, temps de concertation.

❏ Les individus entrent en relation professionnelle par l’intermédiaire d’objets techniques et/ou symboliques : existence de fiches de travail, d’outils, de documents, de textes officiels circulant entre les personnes.

❏ Les acteurs sont mobiles : parcours géographique, statutaire, professionnel, des personnes, appartenance à des réseaux internes et externes. Réalisation d’expériences réussies.

❏ Le chef d’établissement favorise la constitution d’un réseau sociotechnique : degré de participation effective au laboratoire, faire connaître et reconnaître le travail à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement, intérêt pour l’action et les personnes.

❏ Il existe dans l’établissement des controverses qui amènent à aligner

les intérêts particuliers dans un projet d’ensemble minimum : temps de

« problématisation » avant d’agir ; aller-retour entre théorie et pratique, négociations, régulations.

❏ Des porte-parole mobilisent des réseaux : partenaires de l’équipe (parents, communes, collectivités territoriales, rectorat), un système organisé de communication.

 

✐ Consigne : cochez la ou les cases correspondantes à l’état des pratiques dans votre école ou établissement. Discutez-en avec vos collègues et votre directeur/chef d’établissement.


Extrait de Françoise Cros, Le transfert des innovations scolaires, une question de traduction,INRP, juin 2000, p.14.

 

Partager des rôles et des responsabilités, est-ce du « pouvoir » ?

Dans la vie d’une équipe, la question du pouvoir est une difficulté qui, si elle n’a pas été abordée explicitement, ressort comme le fantôme du placard. Une certaine culture identitaire mal comprise (au sens de dérive égalitaire) dans la profession, ainsi qu’une défiance endémique envers tout pouvoir établi (un paradoxe pour des professionnels de l’Institution), renforce ce phénomène.

 

L’investissement « formel » évoqué par Françoise Cros trouve sa traduction dans le second degré par la création d’un « conseil pédagogique » : l’organisation du travail en équipe dépasse, à un certain niveau, le domaine de compétences des seuls enseignants. L’équipe a besoin alors d’un cadre affermi par des choix relevant d’un dialogue avec l’équipe de direction.

 

Tout cela relève du « conseil pédagogique » : en place depuis 2006 dans les établissements. « Il doit impliquer plus étroitement les enseignants dans la gestion de leur établissement : leur donner la parole, écouter leurs pro- positions, dépasser les clivages anciens entre l’administration et la pédagogie pour progresser. Instance consultative et non décisionnelle, il per- mettra d’expliciter le fonctionnement de l’établissement, de montrer ses forces et ses faiblesses, son rôle sera essentiel en termes d’évaluation de la politique suivie et d’analyse des indicateurs de fonctionnement et surtout il sera force de proposition. » La circulaire sur les missions de l’enseignant du 30 avril 2015 ne l’inclut pas dans les obligations cependant.


Rôles et responsabilités pour l’enseignant, la question du « leadership » distribué 

La situation se complexifie avec l’apparition de « rôles émergeants » ou encore des fonctions sans pouvoir, comme coordonnateur de dispositif par exemple, dans la mesure où la reconnaissance institutionnelle n’est pas acquise d’entrée. Elle doit passer par la validation du chef d’établissement, en accord avec l’ensemble des personnels concernés. Un « investissement de forme » à savoir la délégation de quelques HSE (heures supplémentaires effectives), peut alors signifier à l’équipe la reconnaissance du travail de coordination, à la manière de ce qui existe déjà dans les disciplines.

 

Il existe des responsabilités enseignantes décrites, reconnues et prises en charge par l’attribution d’une IMP (indemnité pour mission particulière).La mise en place du "Pacte" par modules est aussi une forme de reconnaissance de l'existant

 

Les évolutions plus récentes de nos organisations poussent en avant un concept actif dans le monde anglo-saxon, celui de « leadership » distribué. Il ne s’agit pas d’envisager la structure et les rôles en termes de statut mais en termes de fonctionnement plus efficace ; chacun se trouve en connexion avec les autres professionnels pour conduire (d’où le terme de « leader ») une action, un projet ou un dispositif. Les équipes découvrent peu à peu ce qu’on pourrait traduire en « direction collégiale » : une équipe à rôles partagés et fonctionnels pourrait bien se com- poser autour des rôles identifiés tels que décrit dans le tableau suivant :


Formation

Organisation

innovation

Fonction générique

Tuteur, formateur, conseiller

Assistant de direction, coordinateur,

évaluateur

Innovateur, chef de projet, facilitateur

Reconnues avec attribution d’IMP (décret n° 2015-475

du 27 avril 2015)

tutorat des élèves dans les classes

de lycée général et technologique et lycée professionnel

référent culture

référent pour les ressources et usages pédagogiques numériques

référent décrochage scolaire

coordonnateur de cycle d’enseignement

coordonnateur de niveau d’enseignement

coordonnateur des activités physiques, sportives et artistiques

d’autres missions d’intérêt pédagogique ou éducatif définies par le chef d’établissement (IMP dévolues par le Cardie de

l’académie souvent)

Dans la pratique

« innovante »

Co-formation, analyste, facilitateur Coordonnateur

du plan de développement professionnel Membre affilié à une équipe de

recherche (ex. IFE, CRI)

Manager pédagogique

 

Leader pédagogique (Ontario) (1)

Chef de projet

 

1. Voir https://apprendreenseignerinnover.ca/, page de l’institut du leadership en éducation.

 

 

L’organisation de l’équipe fait le succès des élèves

 L’association américaine Just for the Kids, a enquêté auprès de plusieurs dizaines de sites dans une vingtaine d’États. Tous ont pour point commun d’avoir des résultats nettement supérieurs aux chiffres attendus. Comment font-ils ?

 

  • Éducabilité pour tous… quelle que soit l’origine sociale, ethnique ou culturelle. À Central Union High School (Californie), « jusqu’à ce que chaque élève ait réussi son examen final, on ne se repose pas ». Concrètement, les établissements s’équipent de tests d’évaluation. Au Tennessee, on définit « un nombre limité d’objectifs basés sur les résultats des élèves, les programmes de l’école ».


  • Pédagogie différenciée. Dans un district new-yorkais, tous les enseignants ont suivi une formation à ce type d’approche et pratiquent des groupes de compétences : « Les enseignants gardent trace des résultats des élèves tous les jours. » On prône « la différenciation, et non la remédiation ». Ainsi, ils ont pu s’adapter à une population scolaire assez mobile.


  • Certaines écoles n’hésitent pas, même, à bouleverser l’organisation de leur emploi du temps autour de thématiques. Dans une école, on a ainsi bloqué la matinée pour la lecture et l’écriture. Enfin, certains districts proposent des tuteurs pour accompagner les enseignants débutants. À Memphis, ils se rencontrent chaque semaine.


  • La communication entre enseignants est donc essentielle. « On va dans la classe d’un collègue tous les jours ». En Californie, les directions impulsent des groupes de communication où on partage les expériences : « atteindre ses objectifs est vu comme une activité collective et coopérative ».

 

Sans nier la spécificité locale, ces cinq points font système : accord sur les principes, suivi des élèves, pédagogie différenciée, réorganisation du travail et déprivatisation des pratiques. Ces marqueurs se retrouvent dans des centaines d’établissements français suivis en innovation, sans que cela fasse l’objet d’une réforme ; c’est bien une « transformation » silencieuse et efficace à l’œuvre sur le terrain.


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