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Un projet est-il (forcément) innovant ? A voir….


Le mode "projet" est partout: Journées académiques, journée nationale de l'innovation, et à présent, "Notre école, faisons la ensemble" (encadré par le Conseil national de la Refondation), et dans le même temps, Forum des enseignants innovants , une initiative issue de la coopération de plusieurs organismes et associations d’enseignants en périphérie de ce que l’Institution prône de son côté, dans ses missions académiques, sous le vocable d’innovation ou d’expérimentation (article L 401-1 du Code de l'éducation).


Chaque réseau invite chaque année enseignants et équipes à partager, confronter, échanger, et valoriser des projets pour changer l’Ecole; Il est possible d’y retrouver d’ailleurs parfois les mêmes actions, comme cela a été le cas déjà les années passées mais aussi parfois sans concordance directe. C’est un épisode d’une longue d’histoire d’un je t’aime moi non plus entre Institution et innovation.



Tout est projet

 Vous voulez sortir avec vos élèves: faites un projet ; vous voulez étudier le mouvement baroque : faites un projet votre action n’est pas encore reconnue dans votre établissement : faites un projet.Un mot incantatoire, paré de toutes les vertus, un mot magique pour ouvrir les portes de participations financières rectorales ou partenariales. Faire un projet, diriger un projet est devenu une compétence de l’enseignant moderne au même titre qu’enseigner tout court.

 

D’un autre côté, les élèves sérieusement engagés dans un projet s’étonneront toujours à un moment donné : « Pourquoi, en cours, ce n’est pas comme ça ? » Les dérives sont nombreuses. Le concept de projet appliqué au monde scolaire a perdu son sens. Tellement, qu’il faut revenir à son sens premier et expliciter les dilemmes avec lesquels nos collègues sont aux prises.

 

 LE PROJET, DES ACCEPTIONS POLYMORPHES

Le même vocable recouvre donc des réalités fort différentes ; l’en- quête1 conduite sur plus de 300 actions repérées comme « innovantes » a recensé une sorte de florilège des titres et partant une esquisse de typologie.

 

À lire ne serait-ce que les titres proposés par les équipes elles-mêmes,une poésie certaine peut s’en dégager,par exemple : 

Odyssée spatiale – De fil en film – La clé de la réussite – Donner des saveurs aux savoirs – Repas dans la romanité – Les experts – Les petits médiateurs – Les apprentis géologues – Le dispositif  ENVOL.


Des appellations plus objectivées  voir avec objectifs) existent aussi :

Évaluer les acquis – Vaincre l’échec scolaire – J’apprends à mon rythme.

 

Des objets d’innovation sont convoqués d’une autre manière : La tablette numérique – Les outils Web 2.0 – Gastronomie moléculaire – Cours en ligne – Danse contemporaine.

 

Des dispositifs technico-pédagogiques sont mis en avant : DÉFIS, sections européennes – Pôle d’excellence scientifique – école multilingue – entreprise junior – dispositif d’apprentissage autodirigé – DISSCO (dispositif de scolarisation) – mini- brigade en maths – atelier d’expérimentation culinaire – atelier d’audio-description.

 

L’action pédagogique, souvent collective, quand elle se projette et s’écrit, se révèle aussi variée dans ses appellations que les contextes des écoles et des établissements. Cette recherche créative dans sa dénomination est à prendre au sérieux car elle touche bien l’identité des actions, et derrière, la légitimité des personnels en quête d’ajustement et d’amélioration dans un système d’éducation relativement formaté par ailleurs (disciplines, contenus, horaires, structures, etc.).


LES SOURCES D’UN PROJET

Dans la plupart des cas, l'enseignant ou un groupe d'enseignants est à l’initiative d’un projet : la démarche est prévisionnelle et peut s’inscrire dans une intention d’action au moment de la prérentrée ou dans le cadre du projet d’école ou d’établissement. La radio (exemple cité) serait ici plutôt une idée, un avant-projet, un concept que vous souhaitez développer. L’entrée par l’activité est une façon comme une autre de commencer, mais il en existe d’autres.

 

On peut aussi partir d’un thème commun à plusieurs enseignants, de la disponibilité des enseignants, de compétences existantes dans l’établissement. Pas de bonne ou de mauvaise entrée en la circonstance, c’est déjà bien de « se mettre en projet ». Cependant, selon les configurations, chaque entrée présente une dérive potentielle (cf. les petites flèches du schéma présenté page suivante).

 

Dans tous les cas envisagés, c’est ici l’enseignant ou un groupe d’enseignants qui sont à l’initiative d’un projet.


RÉPONDRE À UN APPEL À PROJET, DIX CONSEILS POUR RÉUSSIR

 En s’appuyant sur le droit à l’expérimentation reconnu depuis 2005 (article34) et entériné par l’article L-401.1 du code 

de l’éducation, ou avec l’association plus étroite des collectivités territoriales à la  politique éducative, plusieurs dispositifs d’appel à projet se sont mis en place ; du projet pédagogique d’un professeur pour sa classe, un seuil a été franchi. Le « projet » devient plus stratégique, plus durable, plus technique aussi. S’engager dans un appel à projet requiert une certaine ingénierie que nous pourrions formaliser en dix conseils.

 

Inscrivez-vous dans le « genre » de l’écrit : le projet, c’est de l’action et une pratique enrôlante et dynamique, et pourtant il s’écrit aussi, à un moment de son développement, au préalable, ou souvent quand la pratique devient plus conséquente et plus ambitieuse, dans un formulaire parfois aux couleurs très administratives. Le danger serait d’adopter un style tout autant administratif, un peu froid, caractérisé par des listes et des tirets. L’impersonnalité relative et la sécheresse de termes sont des écueils qui écarteraient rapidement votre dossier. L’écriture suggère une rédaction : racontez une histoire, la vôtre, en misant sur vos spécificités, l’originalité de la situation et l’ambition de votre action.


Les consignes sont vos amies : le dossier d’inscription s’accompagne toujours de consignes relatives aux objectifs visés par l’organisme émetteur; des critères d’éligibilité sont précisés. Prenez-les comme une autovérification car c’est la méthode que les lecteurs de la commission emploieront avec votre écrit.


Osez les questions en amont il est vivement conseillé de consulter en amont l’émetteur de l’appel à projet, et même de soumettre un avant- projet ; si c’est possible, allez à la rencontre et faites-vous identifier. La lecture du dossier en sera facilitée par la suite.

 

Faites-vous accompagner : requérez dans votre proximité un conseil, que cela soit auprès de votre chef d’établissement, un conseiller pédagogique ou le CARDIE1 de votre académie ; c’est utile pour vous et c’est de leur domaine de compétence. Plus vous élargissez la base de votre projet, plus vous jouez la carte gagnante.

 

Donnez des « preuves » : l’élaboration de votre dossier sera pertinente s’il s’incarne dans des exemples concrets et spécifiés ; vous signifiez que vous passez du stade de la bonne idée ou encore de l’intention généreuse à des réalités vivantes et forcément imparfaites, mais évolutives. Des photos, des textes déjà produits reportés en annexe, un site internet actualisé seront autant de preuves dans l’enquête sur les pratiques que vous donnez à voir à vous-mêmes et à vos interlocuteurs.

 

Étayez la démarcheune attention particulière dans tout appel à projet est portée au dispositif d’évaluation. Loin d’être une formalité « administrative », les modalités que vous déploierez, pragmatiques et réalistes (et mises en système), sont une garantie pour la suite des opérations. Avant d’être une obligation sans effet direct pour vous et vos élèves, le jury va regarder plutôt la régulation du processus qui contribue à sa réussite.

 

Jouez « collectif » : les appels à projet sont conçus pour renforcer une démarche cohérente dans le cadre d’une politique d’établissement, ce sont des extensions partenariales à l’action locale. Plus vous élargissez votre base de décision, plus le dossier donnera les garanties d’un engage- ment solide, plus indépendant de la volonté d’un seul et d’un développe- ment durable. Le collectif protège plus qu’il ne contraint.

 

Inscrivez la démarche dans une stratégie : le simple projet de classe peut présenter un intérêt intrinsèque, et dans ce cas, l’appel à projet n’est pas ou plus forcément le cadre approprié. Inscrire votre projet dans une démarche systémique, c’est-à-dire en lien avec d’autres dispositifs déjà présents signifie aux partenaires comment l’aide ou la subvention requise pourrait amplifier votre action.

 

Maniez la balance budgétaire : c’est la partie la plus technique du dossier et celle qui sera regardée avec une attention soutenue aussi ; demander la totalité ou la majeure partie des coûts au partenaire n’est pas la meilleure stratégie. Composez votre budget en veillant à provisionner la partie « subvention » par des apports croisés (fonds d’établissements, subventions d’un service rectoral, participation d’une collectivité locale, prestations en nature d’associations par exemple). Ainsi, le partenaire mesure les enga-gements pris par ailleurs ; cela produit un effet d’entraînement en faveur de votre dossier. Il faut « balancer » le budget.

 

Explicitez, communiquez : tout au long de votre démarche, de l’idée folle à la mise en œuvre de l’action et à la valorisation des productions, parlez-en autour de vous ; faites-le savoir dans et par la petite communauté des élèves, comme des parents ; le site Internet sera un bon baromètre, Twitter s’invite dans ce genre d’occasions utilement. Pensez #eduinov, la balise consacrée à ce type de démarche.


« Innover en français », l’appel de Roumanie

Ce type d’appel à projet, nous l’avons rencontré (et en partie impulsé) « ailleurs », en Roumanie, à l’occasion d »un travail durable avec l’Ambassade de France à Bucarest, depuis 2006: le dispositif s’appelle « Innover en français« , ou comment relancer durablement l’apprentissage du français dans un contexte européen dominé par une extension agressive de l’anglais en pays francophone. Le Forum se termine par un appel à projet innovant, et récompensé par un séjour de formation de 15 jours à Paris, où nous proposons un « voyage pédagogique dans l’innovation de nos équipes ».


Cela nous a permis en vue de communiquer sur les critères de lecture du comité de validation d’élaborer un schéma de l’innovation en matière de projet, ce afin de prévenir de quelques dérives courantes en la matière ou raccourcis parfois faciles; tout projet n’est pas innovation, toute innovation n’est pas réductible à un projet, ni à un produit, ni à une technologie (les tice ont d’ailleurs souvent joué à ce petit jeu).


Ainsi, nous avons pensé qu’il était important de mettre en mots le concept de processus innovant, et d’identifier les éléments constitutifs qui font d’une action une formation durable pour les élèves.



COMMENT PASSER D’UNE IDÉE DE PROF A UN PROJET D’ÉLÈVE

La période de préparation, de conception initiale et de construction de l’équipe s’est faite jusqu’à présent sans les élèves. Or on peut changer cela, La phase stratégique (faire vivre le projet avec les élèves), sans laquelle rien ne pourra se faire s’appelle « dévolution » du projet aux élèves. Quelques étapes à suivre :

 

Présentez succinctement le projet aux élèves, oralement ou sur une vidéo ou un prezi, en sélectionnant le niveau que vous privilégiez : activité, apprentissages, thème, production, mais en laissant ouverts tous les autres. Le projet« fermé » sera votre chose ; négociez tout ce qui peut l’être de votre point de vue. La partie des objectifs pédagogiques, par exemple, reste de votre compétence. Ce n’est pas un marchandage, mais une ouverture à une construction collective. Derrière cette pratique encore nouvelle pour certains, il y a bien un enjeu démocratique : celui de l’exercice de la liberté individuelle et de la responsabilité collective. 

 

Veillez à l’expression de tous. Une phase écrite dans l’élaboration de la réflexion est précieuse. Quelques minutes pour mettre noir sur blanc son idée sur tel point : on statue ensemble sur des occurrences, puis on recommence sur un autre point. Cette procédure permet de prendre appui sur la participation plus réfléchie et constructive de chacun, de

laisser des traces, première étape du projet. Ce sont des avantages non négligeables par rapport à un simple échange d’idées. 

 

Vous pouvez ainsi établir un « cahier des charges », en une heure. Ce cahier des charges est déjà une étape formalisée du projet, qui précise l’objectif pour les élèves, pour le groupe, pour l’enseignant, pour l’établissement et les personnels concernés, les modalités de travail (groupements variés, distribution de rôles), les activités envisagées, le calendrier indicatif, les productions prévues, les moyens mobilisés (humains, matériels, financiers), les évaluations. 

 

Développer la démarche projet

Ce cahier, retranscrit au propre par un élève (c’est déjà un rôle), sera la feuille de route du groupe. Il peut être susceptible de modifications en fonction du déroulement non linéaire du projet. Cependant, la démarche de projet est structurellement inscrite comme objectif de programme dans certaines disciplines (la technologie par exemple), elle offre matière à apprentissages. Replacer la dimension d’un projet dans l’ordinaire du cours, c’est rendre possible le fait qu’un vrai projet part sou- vent d’un échange d’idées un peu folles ou mal formulées dans un prime abord entre élèves et avec eux. Ce n’est peut-être pas votre idée, mais il est de votre compétence de guider la démarche si elle peut s’inscrire dans des apprentissages conformes à ce que vous devez faire avec eux.

 

CONDUIRE UN PROJET… AVEC LES ÉLÈVES

La tentation du contrôle permanent est là mais impossible à tenir, vous risquez rapidement l’épuisement et l’agacement en étant constamment sollicité pour tous les points. Détendez-vous et appuyez-vous sur le collectif.

 

Prévoyez des rôles

Dèsle début du projet collectif, envisagez la variété des rôles à tenir : techniques, communication, production, recherche, matériels ad libitum. Il y a des rôles qui seront fixes selon la tâche à accomplir pour le groupe, d’autres seront tournants tels que : faire le compte rendu objectif de la séance de travail, faire le compte rendu subjectif de son travail, afin de réguler l’action et prévenir les décrochages éventuels. Chaque rôle pris est doté d’une capacité d’initiative reconnue, mais également d’une obligation de visibilité en restitution, en régulation, en traces, en bilans d’étapes. Tous les élèves sont ainsi amenés à exercer de véritables responsabilités pour eux, pour leurs pairs, au service d’un projet.

 

Prévoyez régulièrement un temps d’information collective pour que tous soient informés de l’état d’avancement, des difficultés rencontrées et des régulations nécessaires.

 

Comment distribuer les rôles

Vous pouvez attribuer les rôles en fonction de ce que les élèves savent déjà faire : en termes d’objectifs d’apprentissage, vous pouvez proposer aussi ces mêmes rôles à ceux qui ont à s’exercer, à apprendre, ou à se perfectionner.


Rappelons qu’un objectif est, en premier lieu, une intention de changement. On peut caractériser deux tendances : libérale ou autoritaire. Ni l’une ni l’autre ne sont mauvaises en soi, c’est une question de pratique et de congruence (adéquation avec votre propre style d’enseignement).

 

  • Libérale : vous proposez une liste de rôles, les élèves s’inscrivent selon leur envie et ou leurs compétences déjà acquises, vous entérinez, en pariant sur le facteur motivation intrinsèque de l’activité du rôle.

  • Autoritaire directif : vous distribuez les rôles en jouant sur le hasard d’un jeu de cartes : tous les rôles se valent par leur intérêt .

  • Autoritaire guidé : vous attribuez les rôles en fonction du projet d’apprentissage plus spécifique que vous assignez à tel élève.

  • Libéral avancé : la répartition des rôles se fait progressivement par description de leurs contenus propres, en guidant le choix des uns et des autres selon les profils d’élèves (besoins scolaires, relationnels, autres). Vous exercez la posture de conseiller.


LE TEMPS DU PROJET, C’EST LE TEMPS DES APPRENTISSAGES

La dynamique du projet comporte un facteur temps : la progression pourtant indicative, même avec les quelques aménagements de type bilan, devient tyrannique. Il faut « boucler » l’édition, performer pour le spectacle. Insensiblement, la logique de réussite devient beaucoup plus forte que la logique préalable de formation qui ne faisait du projet qu’une occasion « différente » d’apprendre. Le projet n’est pas une fin en soi, mais un moyen de mobiliser plus efficacement l’attention, les savoirs en situation de découverte et de production. Le « je n’ai pas le temps » à cette aune ne tient pas la route. C’est au contraire bien le temps.

 

En organisation du travail différencié selon les tâches et les objectifs de chacun (individu ou sous-groupe), si vous avez perçu des difficultés récurrentes chez quelques élèves, prenez-les à part pendant une séquence pour analyser avec eux le niveau et le degré de difficulté.

 

Renvoyez ensuite soit à une phase de cours, soit vers un collègue capable de prendre en charge une difficulté analysée, soit à un élève ressource, et suivez la « prescription » auprès des élèves concernés. L’attention que vous leur portez et les attentes positives que vous manifestez à leur égard seront aussi efficaces que le remède prescrit.


ACCUEILLIR L’IMPRÉVU DANS UN PROJET

Il arrive souvent que dans le traitement d’une phase du projet, dans la partie recherche, développement, production, un ou plusieurs groupes tombent sur un « os », comme on dit en archéologie. Il faut donc envisager ce qui était imprévisible et qui s’annonce lourd en traitement, en contenus, en conséquence sur la suite des événements. Vous avez alors le choix entre trois solutions, dont deux radicalement opposées.

 

  • À la manière de la société d’autoroute : on cache vite les ossements dans une gravière et on reprend le tracé, rien ne s’est passé. Le calendrier sera tenu.

  • À la manière du médecin légiste diplômé en anthropologie du méso paléolithique : on stoppe tout. La découverte va au minimum renseigner sur le projet, au mieux, faire évoluer considérablement le projet. Vous convoquez alors d’autres analyses disciplinaires pour traiter la question qui vous dépasse aussi ; la démarche de projet emporte tout le monde.

  • - À la manière de l’archéologue de sauvetage : vous estimez rapidement le rapport contenus/temps/apprentissages possibles sur le niveau d’enseignement concerné. Si, effectivement, la fusion nucléaire par exemple n’est pas au programme, vous pouvez cependant en retirer quelques éléments de savoirs qui vont outiller la réflexion du groupe. Vous aménagez un« temps » informatif pour faire le point et voir comment le groupe concerné peut s’approprier l’information, puis vous retournez aux procédures fixées.

 

 

SE DONNER LES MOYENS DE RATTRAPER TOUT LE MONDE

Si vous n’y prenez pas garde, il peut arriver que le fond de classe reste le fond de classe, projet ou pas. Cette situation vous interpelle sur les buts que vous vous assignez.Pour rester sur l’exemple du collègue qui mène le projet de monter une pièce de théâtre avec ses élèves, vous pouvez réagir dans trois directions.

 

  • - Soit vous avancez coûte que coûte en acceptant la marginalisation de certains, puisque the show must go on. La situation ne sera pas très différente de celles de certains cours, ces élèves sont déjà trop loin. Mounir sera après tout rassuré de ne jouer que le rôle de hallebardier. Tout le monde est content ; le projet est finalement un statu quo habillé sous un autre nom.

  • - Soit vous cherchez avec Mounir, mais aussi avec le grand groupe, quelques aménagements acceptables qui permettent une participation active et un apprentissage pour lui.

  • - Soit vous revisitez la liste des rôles possibles en optant pour un autre registre que celui du hallebardier : production, régisseur, technicien, souffleur, accessoiriste, publiciste. La liste n’est jamais fermée.

 

Selon la règle des tiers  on constate souvent une inflexion du projet à chaque tiers de temps –, le projet est déjà bien sur les rails, mais vous êtes confronté à une répartition du groupe en deux clans : ceux qui accrochent et habitent leur rôle, ceux qui après quelques essais formels ont commencé à décrocher dans une attitude mi-passive, mi-ironique, pas encore d’hostilité franche. En tout état de cause, une décision est à prendre.

 

Un des aspects majeurs du projet est son « enrôlement » et sa dynamique de groupe, c’est pour vous un objectif professionnel non négociable. On se met en configuration « grand conseil » et on joue cartes sur table. Situez le niveau de difficulté et la nature de l’obstacle (oralité, publicité, individualité, loyauté culturelle dans ce cas peuvent être évoqués). Sont- ils rédhibitoires ? Des sujets à aborder et à discuter avec les élèves pour poursuivre le projet dans de bonnes conditions.

 

QUE VEUT DIRE « RÉUSSIR UN PROJET » ?

L’expression « réussir » est polysémique : réussir pour qui ? Qui réussit ? À quoi le voit-on ? Elle renvoie aussi aux origines du projet et à ses objectifs fixés.

 

L’obligation de réussite

L’action est très avancée ; vous surinvestissez le projet et le portez à bout de bras. À travers lui, se jouent des objectifs professionnels qui peuvent dépasser vos élèves : votre reconnaissance dans l’établissement, votre autorité vis-à-vis des parents, votre charisme vis-à-vis des élèves, finalement des intérêts personnels s’agglomèrent à un projet professionnel altruiste.


Pour éviter d’arriver à cette situation embarrassante, la pratique du retour très périodique au « cahier des charges » avec explicitation des objectifs-élèves est salvatrice. Rappelez en commun les objectifs. Ceux sur lesquels va porter l’évaluation finale permettent aux élèves de retisser le lien avec le « scolaire », et pour vous, de vous décentrer d’une implication trop personnelle.

 

BIEN BOUCLER LE PROJET

Au même stade d’avancement, vous évaluez encore trop bien la distance, en termes d’apprentissages, que vos élèves doivent encore parcourir. Ils ne maîtriseront pas la PAO (publication assistée par ordinateur) en trois jours. C’est une expérience partagée par tout enseignant à un moment donné. La logique de réussite est trop forte pour échouer si près du but.


Fixer un calendrier. Pour éviter de vous retrouver dans cette situation, prévoyez avec soin les différentes phases de réalisation et de production du projet, notamment en matière de conditions de réalisation, de calendrier et de compétences à mettre en face. S’il s’agit de produire un journal en PAO, il faut programmer une initiation PAO au moins pour le groupe éditorial concerné ; c’est justement une occasion d’apprendre.

 

Accepter la souplesse. La « charrette » des dernières semaines est commune à tout projet. Autant le savoir et anticiper avec les élèves en programmant des séances supplémentaires, appuis ponctuels sur d’autres ressources, en changeant ponctuellement un morceau d’emploi du temps. La gestion par projet crée toujours du désordre. Il faut l’accepter et le présenter comme tel, aux élèves comme à « l’administration ».

 


Dresser un bilan

Quand vous vous remémorez la liste des problèmes rencontrés lors de la conduite du projet, vous vous posez des questions sur sa reconduction. Tenez un carnet de bord du projet, même simple : objectifs, séquences, faits, problèmes rencontrés, ressources sollicitées. La formalisation écrite vous permettra de mieux sérier les types de problèmes : structurel, conjoncturel, relationnel, matériel, partenarial, scolaire, psychologique, professionnel. Enfin, faites le point sur les savoirs et savoir-faire mobilisés par les élèves.


FAUT-IL ÉVALUER UN PROJET ?


Tout ça pour ça ? Les fins de spectacles peuvent avoir quelquefois un petit arrière-goût d’amertume. Tout ça pour ça ? Comme si la qualité intrinsèque de la prestation terminale disait tout du projet. Non. Les dispositifs d’évaluation de projet pèchent par défaut, à cause du caractère flou des objectifs d’apprentissage.


En guise d’aide méthodologique pour des équipes interdisciplinaires, le tableau présenté peut être utile à parcourir dans sa durée, attestant que l’évaluation se conçoit comme processus durable mais aussi se conjugue à plusieurs niveaux d’observation ; elle est en outre le fait de plusieurs acteurs. Le professeur est loin d’être seul dans l’opération ! Tout cela plaide donc pour des dispositifs d’évaluation construits ad hoc, collectifs, régulés, pragmatiques, élargis, durables et… intéressants pour tout le monde.

 


L’évaluation d’un projet est globale et systémique ; elle nous permet d’apprendre autant sur les acquis des élèves que sur la régulation d’une équipe et sur la politique de l’établissement. 

Si tout cela devait se terminer en une vaste compilation de chiffres sans commentaires, et sans communication, mieux vaudrait passer à autre chose : évaluer, c’est « d’abord communiquer ».

 

Prévoyez dès le début du projet une phase d’évaluation du travail pro- duit avec le groupe, un temps nécessaire pour faire un bilan de savoirs de façon à préparer la « sortie du projet », à faire les liens avec l’après et le retour à l’ordinaire de la classe.


Au lycée Tirel, à Paris1, à l’issue d’une année où l’équipe a savamment couplé les exercices d’expression et d’improvisation avec l’apprentissage en hôtellerie-restauration, les élèves ont été consultés en une séance spéciale avec des personnalités extérieures pour faire le bilan des savoirs : postit au tableau et cible d’évaluation. 

Envisagez la ou les transpositions possibles de parties de la démarche dans des situations plus classiques de parcours d’élèves. Que retenir pour les cours ? 

 

Formalisez votre évaluation et communiquez à vos collègues et au chef d’établissement les résultats de l’évaluation, pour qu’ils prennent en compte ce que les élèves ont effectivement appris ; sinon, tout se passera comme si rien ne s’était passé. Les élèves ne comprendront pas cette contradiction du système. Donc, évaluez pour va-lo-ri-ser !



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