introduction métaphorique et spéléologique sur l’intérêt et une méthode pour repérer l’innovation, nous nous engageons, avec prudence, dans l’enquête, en ayant le souci d’aiguiser notre regard. Pour rappel, nous poserons en route régulièrement quelques balises (orange).
Cette partie est donc consacrée aux mesures de sécurité à connaitre, comme dans tout voyage, au pays de l’innovation.
1- Le repérage, c’est d’abord une méthodologie d’enquête scientifique et sociale, avec quelques principes et les limites du genre.
A- Limites du repérage en éducation et en innovation.
1- la relation toujours à analyser entre l’acteur et l’observateur
2- la qualité du repérage de l’innovation dépend étroitement du tamis utilisé.
3- L’observation interfère sur la réalité.
4- La « bonne distance » de l’observateur à son objet
5- prendre en compte le facteur temps dans le repérage.
B- D’où quelques principes de précaution en matière de repérage de l’innovation
1- un totem: le colibiri
2- Réassurance et reconnaissance des acteurs.
3- Accueillir les réalités telles qu’elles se présentent
4- S’inspirer de la méthode par approximations successives.
5- Varier les angles de lecture et d’analyse.
6- s’inscrire dans le « genre » de l’enquête sur les pratiques et non dans celui de l’évaluation.
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1- Le repérage, c’est d’abord une méthodologie d’enquête scientifique et sociale, avec quelques principes et les limites du genre
A- Limites du repérage en éducation et en innovation
1- la relation toujours à analyser entre l’acteur et l’observateur
Les principes élémentaires en psychologie sociale nous renseignent d’emblée sur les biais méthodologiques de l’observation, rapportée ici à ce qu’on identifie comme « repérage » de l’innovation et de ses acteurs:.
Les variables jouent sur au moins trois niveaux:
– La relation entre l’acteur et l’observateur, dans la plus ou moins grande proximité (elle peut s’entendre au sens spatiale du terme, mais aussi au sens professionnel du terme, selon que l’un et/ou l’autre se reconnaissent ou se différencient dans leur statut réciproque, par exemple, enseignant, directeur, inspecteur, formateur, consultant, autre); non qu’il y ait une situation plus favorable qu’une autre, mais ce biais existe toujours. La dimension aussi dans la relation interpersonnelle et dans les gestes professionnelles qui en découlent: entretien ouvert, questionnaire, empathie etc….)
– La compréhension du comportement de l’acteur et son « évaluation » positive ou négative par l’observateur
– Les attentes, souvent non explicites, des deux parties
Ces trois variables influent dans le processus d’observation.
Nous pourrions a priori en tirer quelques éléments plus favorables à une observation efficace:
6-Une relation de proximité mettant en œuvre une écoute empathique
7- Une analyse neutre, ou a priori positive, de l’observateur, différant tout mot ou geste d’évaluation
8- Une explicitation des attentes de l’observateur et de l’acteur
2- la qualité du repérage de l’innovation dépend étroitement du tamis utilisé
L’expérience proposée par Mandelbrot en 1967 nous renseigne sur la méthodologie de l’observation et les limites du repérage; en se donnant pour défi de mesurer les côtes de Bretagne, le chercheur dispose de plusieurs mesures possibles; mais en fonction de ses outils et sa position, plus ou moins lointaine, plus ou moins proche, les résultats peuvent varier d’une estimation globale à une mesure approchant l’infini. Mandelbrot se servit de ce cas très pratique pour démontrer la théorie des fractales; à savoir celle d’une invariance d’échelle (on retrouve la même forme emboitée et en complexité croissante, ou encore dite de l’auto-similarité).
Rapportée à notre système d’éducation, et à notre besoin de repérage de l’innovation, la théorie des fractales s’avère prenante:
9- on peut percevoir l’innovation de très loin, comme de très près;
10- il convient de jouer sur les échelles d’observation pour mesurer la réalité complexe de l’innovation.
3- L’observation interfère sur la réalité
L’expérience quantique de la « double fente » (double slit) ou l’expérience de Wheeler , met en évidence l’impact de l’observateur sur le monde. Chaque fragment du monde étant à la fois « onde » et « particule », la présence de l’observateur d’une expérience (quantique… mais il pourrait bien s’agir de votre vie !) influe sur le résultat de la-dite expérience.
la combinaison de ces deux états est également un état possible. L’observation provoque en revanche la réduction à un seul état.
L’innovation est-elle donc « quantique », à la fois onde et particule ?
11- faire le deuil de tout voir de la pratique
12- accepter des états en dialogique (Edgar Morin)
C’est tout aussi vérifiable en situation « scolaire ».
L’expérience conduite ici montre qu’un observateur « passif » produit des effets d’amélioration dans les résultats des élèves.
4- La « bonne distance » de l’observateur à son objet
L’enquête ethnologique ou sociologique nous apporte alors un complément nécessaire; puisque l’observateur influe sur la réalité (quantique), quels seraient alors les choix pour repérer au mieux les réalités vivantes de l’innovation en établissement ?
Trois positionnements sont proposés, d’égal intérêt, mais ils dépendent sans doute à la fois des styles plus personnels des acteurs comme des objectifs recherchés:
1- Dilemme de l’objectivité en sciences sociales, puisque l’objet se confond avec le chercheur. D’où le principe de « dépaysement » ou de décalage nécessaire.
2- Technique de « l’observateur participant », Alain Touraine, « la compréhension de l’autre dans le partage d’une condition commune« , en rupture avec des voyages marqués par l’ethnocentrisme.
3- Radicalité: sociologie de l’intervention: Karl Marx : « pour connaître la réalité, il faut la transformer » , principe de l’analyse institutionnelle. D’après Serge Genest, Recherche anthropologique:techniques et méthodes, 1979, Québec
13- identifier son propre style d’observation, en congruence
5- prendre en compte le facteur temps dans le repérage
De la même façon que le repérage sert un état des lieux, il intègre aussi une observation de la variation dans le temps.
Les effets des expérimentations ne sont jamais immédiats; les équipes doivent parfois « résister » aux pressions évaluatives et travailler patiemment sur l’amélioration de leur communication, tout au long du processus.
Nos organisations ou unités d’enseignement connaissent des phases cycliques de développement et de transformation qui peuvent se traduire par des crises et des succès; il est donc tout aussi intéressant de repérer et les uns et les autres.
14- mettre en place un repérage en continu et des relais nécessaires dans le temps
B- D’où quelques principes de précaution en matière de repérage de l’innovation
1- un totem: le colibiri
A chaque instant il peut régler sa présence/distance, à la fine pointe des fleurs (ou des choses) pour ne pas les abîmer mais pour bénéficier du nectar, pour être dans une présence qui ne soit pas pression, ni dans une distance qui serait aussi pression par défaut. » André de Peretti à Carl Rogers
Nous oscillons entre une présence nécessaire, qui peut parfois être ressentie comme une pression pesante (appel à projet, requête, enquête, questionnaire, commande, visites institutionnelles), et une distance nécessaire pour que le travail s’accomplisse.
L’engagement des équipes dans une action dynamique accroit l’intensité du travail; il convient dans cette phase de ne pas alourdir par des commandes trop pressantes portant sur l’évaluation par exemple; mais de proposer une méthodologie souple et cadrante du travail, sur un moyen terme.
15- signaler sa présence (bienveillante)
16- choisir des modes et des supports de communication, des temps, légers et cadrants
2- Réassurance et reconnaissance des acteurs
Les « gros mots » de l’expérimentation apparaissent au centre: élèves, équipes, mais aussi pratiques et dispositifs. Ce sont des réalités vivantes, souvent émergentes, parfois balbutiantes. L’attention portée par la MAIE est d’abord une reconnaissance et une réassurance dans la démarche,
17- se préoccuper d'une réassurance des acteurs et une reconnaissance des choix.
3- Accueillir les réalités telles qu'elles se présentent
La collecte de renseignements divers, les rencontres formelles et informelles, l'observation de terrain nous confrontent à des objets parfois "exotiques" et toutes sortes d'appellations locales.
A la manière des cabinets de curiosité des savants du XVIIIème s., il nous importe de collecter les formes variées, parfois bizarres ou exotiques, présents dans nos équipes.
De sorte à faire l'inventaire expert, jamais exhaustif, ais collectif des pratiques, seule condition pour s'engager dans une stratégie d'innovation.
4- S’inspirer de la méthode par approximations successives
A la manière d'un Mondrian qui, partant de l'observation d'un paysage réel, parvient à exprimer en modifiant son regard et en recourant à d'autres outils une réalité plus abstraite, apparaissent alors de grandes lignes, des plages de couleurs plus franches.
C'est une méthode que les scientifiques connaissent bien, dite d'approximations successives. Détecter une ressource, une pratique permet d'approfondir l’enquête sur un temps plus long, avec des techniques variées.
19- S'inspirer de la méthode par approximations successives
5- Varier les angles de lecture et d'analyse
Le rappel de cette loi systémique nous invite à prendre chaque action ou d'un dispositif développé par une équipe par le côté visible et d'en envisager non seulement les autres éléments plus cachés, d'interroger aussi sur les domaines parfois non explorés par l'équipe. C'est le "potentiel de développer" à estimer.
L'expérimentation pédagogique a pour objet premier un développement de pratique, in inscrivant ce domaine dans un schéma plus systémique, nous invitons les équipes à envisager d'autres domaines forcément touchés, à des "développements durables" des compétences dans l'établissement.
Le repérage s’intéresse non seulement donc à la réalité de l'innovation, mais aussi à sa dimension systémique et globale.
20- Estimer le "potentiel de développement"
6- S'inscrire dans le genre de l’enquête sur les pratiques et non dans celui de l'évaluation
L'évaluation de l'expérimentation s'inscrit dans le genre des pratiques évaluatives: dans ce domaines, la plus grande prudence est de mise, car il s'agit ici de se départir des évaluations dites de contrôle ou de conformité qui n'ont pas de raison d'être en la matière.
La phase de repérage doit être indubitablement dissociée de toute évaluation si l'on souhaite éviter que l'observation perturbe l'action.
21- Préférer l'enquête plutôt que le contrôle.
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