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Le "stage" pour les élèves, ça peut marcher aussi


L’OBJECTIF DU STAGE : L’OUVERTURE  AU MILIEU PROFESSIONNEL

Je dois faire de l’éducation à l’orientation, mais je ne vois pas bien ce que cela recouvre.

 Dans le second degré, l’ouverture de l’École devient plus orientée en recherchant un couplage entre formation scolaire et découverte professionnelle. Depuis 1995, les collèges tentent, avec des différences notables suivant les établissements, d’ouvrir au maximum le choix des élèves. Ils leur proposent notamment de découvrir le monde professionnel sur le temps scolaire. Dans tous les cas, il s’agit de répondre à la grande hétérogénéité des élèves au collège, d’élargir leur horizon des possibles, en aucun cas de faire de la pré-orientation précoce, tel l’ancien palier d’orientation en fin de cinquième, et la sortie d’une partie des élèves, souvenir encore présent dans l’esprit des enseignants qui l’ont connu, eux. Et en 2024, la possibilité pour tous les élèves de Seconde de faire un "stage" de 15 jours en juin (dans le cadre de la reconquête du mois) devient aussi une opportunité dans bien des cas de revenir sur cette question.

 

Les objectifs de l’éducation au choix

 L’éducation au choix au collège n’est pas un enseignement, encore moins une discipline parmi d’autres. Transversale, elle implique tous les enseignants quand ils manipulent des objectifs importants tels que :

 

  • S’auto-évaluer : travailler sur la connaissance de soi, apprendre à s’évaluer dans le domaine scolaire, notamment par le renforcement du dialogue élève-enseignant, travailler le discernement notamment quant aux notions de qualités et de défauts.

  • Découvrir les métiers de l’environnement scolaire : travailler sur la citoyenneté, sur l’environnement, impliquer l’élève, en sollicitant tous les acteurs éducatifs : les personnels ATOSS peuvent y participer tout autant, par exemple dans un travail sur le développement durable et la cantine scolaire.

  • Découvrir d’autres métiers : impliquer l’élève, provoquer la rencontre avec les métiers de la région et les métiers extérieurs, faciliter l’ouverture, élaborer une grille d’interview, réaliser une enquête, créer une grille des compétences exigibles à l’oral, s’exprimer devant un public, construire un document d’une quinzaine de pages sur un métier.

 

 L’expérience de mini-entreprise au sein même du collège Victor-Hugo, dans une classe, en méthode de « simulation globale », mais pour de vrai, avec des partenaires professionnels, et de vrais clients, à Narbonne, présente un cas de pratique et d’engagement hors pair ; dans la plupart des cas, la découverte par stages se déroule par immersion temporaire. Elle rencontre vite des difficultés pour trouver suffisamment de niches d’accueil pour tous les élèves, dans des conditions convenables tant pour le professionnel que pour l’élève. Deux initiatives méritent ainsi d’être signalées.

 Première initiative : à Paris, dans le cadre du plan de lutte contre les discriminations, une banque de stages est mise à disposition des collèges ☛ https://www.paris.fr/pages/collegiens-une-plateforme-pour-faire-son-stage-de-3e-a-la-ville-4131  Au lieu d’être casés au supermarché du coin où il n’y a personne pour s’occuper d’eux, les élèves sont accueillis dans des entreprises où ils découvrent réellement des métiers. Au retour du stage, ils soutiennent un oral où ils expliquent ce qu’ils ont fait. « On invite volontiers les entreprises si elles peuvent donner une demi- journée pour participer à ces restitutions.

En Bretagne, la plateforme stage alternance 35 met en relation les jeunes et des chefs d’entreprise dans tous les secteurs, souvent méconnus. https://www.stageetalternance35.fr/connexion L’opposition éducation nationale- entreprises, c’est dépassé », explique une principale du collège.

 

Deuxième initiative : à partir d’expériences de jeunes, de conseils en ligne et d’exercices interactifs, un site ouvert par le https://www.parcoursmetiers.tv/  se propose d’aider les élèves à trouver un stage. Une interface interactive, accessible à tout jeune dès le collège ☛http://www.7etapespourtrouverunstage.com/


Quels sont les déterminants de l’orientation ?

Le n° 72 de la revue Éducation et formations est consacré à l’étude d’un panel de jeunes entrés au collège en 1995… et est, en cela, très instructif ! Premier enseignement : le niveau en maths reste le facteur déterminant de l’orientation. Il pilote l’entrée en S, mais détermine également le choix de la filière L. Aucune autre discipline n’a cette importance. La catégorie sociale joue également fortement dans les choix :

« Les enfants de cadres, d’enseignants, mais aussi de parents exerçant une profession intermédiaire s’orientent davantage vers une première générale que les enfants d’ouvriers, d’agriculteurs ou de personnes inactives », peut-on lire. Mais entrent aussi en jeu le niveau de diplôme des parents et la composition de la famille : « Le fait d’être enfant unique favorise l’accès en première générale. À l’opposé, les élèves en situation familiale atypique (ne vivant avec aucun de leurs parents) ont moins de chances de poursuivre leur second cycle dans l’enseignement général. »

Le sexe ne joue que modérément sur l’arbitrage entre général et technologique mais intervient davantage dans le choix de la série, particulièrement dans l’enseignement technologique : entre STL et STG, la part des jeunes filles varie de 7 à 61 % !

L’orientation est plus contrainte que voulue pour quatre jeunes sur dix. « Si près de 60 % (des jeunes) sont satisfaits de l’aide apportée par leurs parents, moins de la moitié estime avoir été bien informée par les professeurs et les conseillers d’orientation », souligne l’étude. Ce sentiment d’être « mal informé » est d’autant plus fortement ressenti chez les jeunes d’origine étrangère : « Exprimé par seulement 17 % des jeunes de familles non immigrées, ce sentiment grimpe à 30 % parmi les enfants d’immigrés originaires du Maghreb et à 28 % parmi ceux originaires d’Afrique subsaharienne. »

 

Bonus Web ☛ Trouver un stage, conseils pratiques et mode d’emploi, sur le site de l’Etudiant : http://www.letudiant.fr/jobsstages.html

 

Une demande et une attente exprimées par les élèves

 Rapprocher l’École de la « vraie vie », tout au moins des réalités socioprofessionnelles, c’est aussi une revendication des parents, mais également des élèves eux-mêmes, non seulement au collège mais aussi au lycée. Stéphanie Leloup, dans sa thèse sur l’ennui à l’école, consacre une partie à cet aspect : une piste pour rénover le lycée général, peut-être. « Au lieu de n’enseigner que de la théorie au lycée, on devrait avoir des cours pratiques comme dans le professionnel », suggère un élève de terminale STL. « J’aimerais faire plus de pratique, d’expériences et un peu moins de théorie », regrette un élève de seconde.

Une orientation, cela se prépare ensemble, et avec tout le monde

Fanny, une jeune enseignante de SES à Montpellier, témoigne de l’importance de travailler « ensemble », équipes pédagogiques et familles, sur l’orientation des élèves.

Lisa, pas si « nulle ». Pour Lisa, une élève en grande difficulté au lycée, timide mais bien intégrée, le conseil de classe a préconisé une réo rientation en BEP. Sa mère préfère un redoublement pour décrocher un bac SMS, archibouché et hypersélectif. Lisa préfère par élimination être infirmière plutôt que coiffeuse. À l’issue de l’entretien, la mère confie que sa fille n’est pas une travailleuse acharnée : elle dépense la plus grande partie de son énergie à faire de l’équitation. « Ah, tu fais du cheval », « Oui, j’ai un galop 7 (niveau de compétition). » Cette adolescente apparemment « nulle », paresseuse, fumiste, découragée et perdue est en fait une adolescente passionnée et fougueuse sur un cheval.

Naïvement, Fanny demande si elle a pensé à travailler dans l’équitation plutôt que dans le médical, qui semble inaccessible par rapport à son niveau scolaire, ou la coiffure, qui la motive si peu. « C’est mon rêve, mais je ne peux pas. Il faut le bac et puis je ne sais pas comment accéder aux formations. » Grâce aux connaissances de Fanny sur les formations

« Jeunesse et Sports », et à quelques coups de fils ciblés, Lisa a pu trouver un projet motivant et atteignable au vu de ses compétences.

Fanny fait l’analyse de ce cas d’école : défaut de communication, rétention d’information, manque de concertation entre élèves, familles, professeurs, conseiller d’orientation, Éducation nationale et Jeunesse et Sports, entreprises et instituts de formation. Chacun son boulot, chacun son information, sa formation, tout semble segmenté et cloisonné. On n’a pas su reconnaître ses talents. « Ce n’est pas notre rôle. » Alors qui, si ce n’est nous ?! Nous, en équipe, bien sûr1.

Le cas de Lisa n’est pas un cas isolé, il bute sur nos propres limites à faire un bilan sérieux de toutes les compétences des élèves en phase d’orientation ; ce devoir de prise en charge de la préparation à l’orientation nous appelle à sortir de visées strictement disciplinaires pour s’intéresser à l’élève et ses potentialités ; on construit mieux sur des bases solides que sur des lacunes.

1. D’après le témoignage de Fanny O’Sullivan, professeur de SES au lycée Arago de Perpignan, académie de Montpellier, cité dans « Premiers pas dans l’enseigne- ment », Cahiers pédagogiques, n° 418, CRAP, novembre 2003, p. 20.

 

  Découvrir l’entreprise. L’opposition entre le « scolaire », assimilé à un cours magistral et donc ennuyeux, et la « pratique », plus intéressante et tellement plus formatrice, s’entend souvent. Un remède traditionnel que les élèves pro- posent pour résoudre ce problème est alors le recours aux stages dans les entre- prises. Faire un stage permet de se faire une idée par soi-même de ce que peut être le monde de l’entreprise et d’apprendre à s’y intégrer. Il y a en effet un désir très prégnant de savoir comment se comporter sur le marché du travail.

 

Élargir et diversifier les projets. Éduquer au choix, c’est permettre à tous les élèves de faire le point sur leur propre parcours scolaire, d’en découvrir d’autres bien souvent méconnus, c’est faire l’épreuve de choix nécessaires quant aux options à prendre, en fonction de ses goûts, ses compétences, ses besoins. Faire un stage chez un artisan maçon, ce n’est pas se préprofessionnaliser, mais plutôt (re)trouver le sens de certains savoirs scolaires en situation, comprendre l’intérêt d’une bonne formation initiale ; ou encore découvrir un environnement de travail inaccessible du fait des «traditions » familiales ou de l’éloignement géographique, c’est très différent.

 

RECHERCHE DE STAGE : APPRENDRE À COMMUNIQUER AVEC L’ENTREPRISE

Une bonne partie de ma classe n’a pas trouvé de stage, ce n’est pas à moi de le faire à leur place.

 Dans les classes où les élèves sont le plus en difficulté, la recherche de stage se révèle chaotique. Qui doit alors entreprendre les démarches ? Dans une logique purement libérale, on laisse les familles se débrouiller pour trouver une place pour un stage de découverte. Mais dans une démarche de projet, est-ce bien les parents qui doivent avoir l’initiative ?

  

Comment cela peut-il être interprété par un (futur ?) employeur ? Ou alors, l’enseignant, ou le chef de travaux en lycée professionnel, se mobilise pour trouver des lieux d’accueil, pas forcément en adéquation avec les souhaits de l’élève. Là encore c’est réaliste, le réseau du lycée vient en subsidiarité du réseau personnel ou familial, mais c’est contradictoire avec les objectifs de l’opération.

 

Déjouer les solutions de facilité avancées par les élèves. Les filles envisagent un stage dans les « services », les garçons dans le commercial ou l’informatique. On ne sort pas des clichés.


On est toujours frappé de la force de quelques déterminismes qui n’en sont pas : privilégier la proximité du quartier au détriment de l’intérêt  pour un lieu de stage plus éloigné, ne pas oser aller à l’encontre d’une logique familiale professionnelle, déroger en attribuant à certaines activités une connotation sexiste, restreindre son investigation à quelques activités visibles au détriment de tout le reste du monde. Les enseignants ont ici un travail intense d’accompagnement et d’analyse à conduire avec leurs élèves, et ils y sont peu préparés.


 Élargir les sentiments de compétences. Des études sur ce point convergent sur la difficulté de travailler sur l’orientation, en particulier pour les jeunes filles. L’académie d’Amiens a notamment mené de nombreux travaux sur la question. Ainsi, l’orientation contraint toujours le sujet à des négociations identitaires coûteuses. Si l’on veut que les jeunes puissent diversifier leurs projets, il est important de travailler à l’élargissement de leur sentiment de compétence. Cela permettra d’élargir leur champ d’intérêt sur lequel s’appuie l’élaboration des projets. Ainsi, filles et garçons ne seront plus en situation de transgression. Il ne faut pas aider les jeunes à transgresser, mais les amener à ne pas avoir le senti- ment qu’ils transgressent.

 

Préparer un stage devient une occasion d’apprendre par la prospection des terrains possibles, la communication, l’élaboration des supports.

 

Une expérimentation de sa communication en temps réel

 Arnaud Savin, ancien responsable du recrutement en entreprise, a développé une approche de la communication et des outils très accessibles pour des élèves. La technique peut paraître simple, elle n’en est pas moins efficace. Elle tient en trois mots : communiquer, écrire, pousser des portes. Un module pour un groupe d’élèves se déroule autour d’un télé- phone portable amplifié. Tous les élèves doivent préparer une liste de vingt contacts. Puis, il faut que l’un d’entre eux accepte de jouer le jeu avec l’intervenant. Tous deux simulent un premier contact téléphonique : le rythme des échanges est serré et saccadé ; la prise d’information décontenance l’élève ; on répète. contact téléphonique c L’élève passe en situation réelle, l’intervenant est à ses côtés, tout le groupe est très attentif.


Tout se joue en direct. Intonation, dynamique de la voix, prise par écrit des renseignements donnés, adapter sa communication à la taille de l’entre- prise (PME-PMI ou grand groupe, se repérer dans les organigrammes possibles : « Bonjour, pourrais-je parler au responsable de l’entreprise ou à un collaborateur ? » ; « Bonjour, je m’appelle X, pourrais-je avoir le responsable des ressources humaines, du recrutement, ou le service du recrutement ou des stages ? »). On s’entraîne en situation réelle : « Ne quit- tez pas. » Musique de Vivaldi. « Bonjour, êtes-vous bien le responsable du recrutement ? » Ne rien expliquer tant que le bon interlocuteur n’est pas joint. « Pourriez-vous répéter ? Pourriez-vous m’épeler votre nom ? »

 

Dans le cadre de la communication professionnelle, il faut connaître tous les codes sociaux pour réussir. Si la demande brute « C’est pour un stage » n’aura aucune chance d’aboutir, une requête plus surprenante comme « Je voudrais rencontrer un professionnel de tel secteur pour mieux connaître l’activité » aura plus d’échos. Les élèves sont frappés de la relative bonne réception de ce type de message.

 

Dynamique collective. Contacter, dix, vingt entreprises à la file. Question d’entraînement et de dynamique individuelle mais aussi collective : le groupe soutient. Les notes prises par les élèves s’appuient sur l’expérience directe de celui qui passe en live. En deux heures, c’est la moitié du groupe qui a décroché une ou plusieurs entrevues. Il faudra rebondir sur les démarches immédiates : assurer le suivi, recontacter, écrire, aller rencontrer.

 

On peut avoir des difficultés : peur des photos d’identité (alors qu’elles ne sont pas forcément obligatoires), angoisse de l’agressivité prétendue des interlocuteurs, fantasme de l’analyse graphologique… Les enseignants ne reconnaissent plus leurs élèves après une telle séance. La pompe est amorcée. Certains apprentissages retrouvent du sens.

 

D’autres modules sont mis en œuvre, pour des actions « terrains » ; des groupes ont été entraînés en paroles et en gestes (e-book, prompteurs, etc.) et se déploient en terrains d’action, au contact direct. L’entretien est suivi immédiatement d’un debriefing avec le groupe et avec le responsable d’entreprise. D’une simulation à une situation réelle, les apprentissages sont marquants pour tout le monde.

 

Les exercices qu’Arnaud Savin(1) met en œuvre, les enseignants peuvent les reprendre à leur compte. C’est même inscrit dans le référentiel d’une discipline telle que la « communication » dans les formations tertiaires. Tout est alors une question de mise en pratique avec les élèves. Finalement, ce sont bien eux qui trouveront les contacts car vous leur aurez donné les «clefs» !

 

(1) Les Clefs de l’entreprise, version collège, Belin, 2014 ; et compléments sur http://www.lesclefsdelentreprise.fr/

 

AUTOTEST : CHECK-LIST DE PRÉPARATION DU STAGE

 Vous êtes professeur principal d’une classe ou enseignant de technologie, de communication, de VSP (vie sociale et professionnelle) et vous devez accompagner les élèves dans leurs démarches de stage.

 

Avez-vous fait dégager aux élèves :

❏ trois points forts ?

❏ trois compétences scolaires (ou non) qui permettent de valoriser ressources, micro-expériences, acquis, compétences ?

 Avez-vous aménagé un temps suffisant avec eux pour préparer :

❏ un entretien ?

❏ un contact ?

❏ une démarche ?

 Grâce à :

❏ des jeux de rôles ?

❏ des mises en situation ?

❏ des contacts téléphoniques ?

Mettez-vous à la disposition des élèves :

❏ un carnet de stage ?

❏ un relevé des contacts ?

❏ un suivi des rendez-vous ?

 

Faites-vous un « retour de stage » pour faire le point ensemble sur l’évolution des projets en fonction des situations vécues ? Et sur les conséquences en matière de travail scolaire et d’accroche à différentes disciplines ?

 

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