Les TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement) auraient trouvé leur place dans le chapitre consacré aux outils de l’enseignant ; ils en sont assurément ; ils sont pourtant plus que cela en emportant avec eux un questionnement de fond sur le fonctionnement du modèle scolaire lui-même. C’est par ce prisme que le numérique sera envisagé ici.
OÙ EN SONT VOS ÉLÈVES ? ET COMMENT LE SAVEZ-VOUS2 ?
Nos élèves sont des enfants de l’ère numérique ; 99 % des adolescents sont internautes ; ils envoient en moyenne 250 SMS par semaine Les 18-25 ans sont plus équipés, plus connectés que les générations précédentes. Ils n’ont pas recours aux mêmes outils pour s’informer que les générations précédentes. Alors que les plus de 35 ans se tournent majoritairement vers la télévision (53 %), Internet (23 %) et enfin la radio (17 %) quand ils veulent se tenir au courant de l’actualité, la tendance est inversée chez les moins de 35 ans.
Ces derniers privilégient Internet (66 %), via leur smartphone, puis la télévision (26 %). Chez les moins de 25 ans, l’usage d’internet pour s’informer est encore plus marqué, atteignant 75 % d’entre eux. Le temps moyen passé par semaine sur internet oscille entre 6 h (pour les 7-12 ans) à 15 h en moyenne pour les 13-19 ans. Les 7-12 ans sont présents sur les réseaux sociaux (sans compter le nouveau Tik Tok) à 63 %, d’après une enquête de la CNIL. La quasi-totalité utilisent leur vraie identité et livrent des informations personnelles ; les jeunes ont en moyenne 210 « amis » dont 30 % jamais rencontrés !
LES PROFS ENFIN CONNECTÉS, C’EST MAINTENANT ?
Les enseignants ne sont pas hors de tout champ social ; ils partagent les pra- tiques répandues dans la société française depuis une vingtaine d’années à peine. La quasi-totalité des enseignants est équipée de matériel informa- tique à titre personnel ; un tiers dispose de smartphone. Les trois quarts (76 %) des enseignants de moins de 35 ans sont inscrits sur Facebook et 85 % d’entre eux s’y connectent au moins une fois par jour.
Selon l’enquête PROFETIC1, la quasi-totalité des enseignants du 1er degré déclarent utiliser le numérique en classe dont 64% uniquement pour des fonctions simples. Seulement 2% des enseignants l’ont totalement intégré dans leurs pratiques pédagogiques.
Le numérique demeure principalement utilisé pour la préparation de la classe (94%). Les enseignants du 1er cycle sont plus nombreux que l’ensemble des enseignants à utiliser le numérique comme outil de préparation alors que les enseignants du 2e et 3e cycle l’utilise davantage pour des fonctions simples ou développer des interactions. En classe, les enseignants utilisent le numérique principalement sans manipulation de la part des élèves (82% vs. 40% avec manipulation). En dehors des activités pédagogiques, le numérique trouve sa place dans la réalisation de tâches administratives ou de vie scolaire (68% des enseignants) et pour échanger, mutualiser, partager avec leurs pairs pour près des 7 enseignants sur 10. 35% des enseignants vont utiliser les réseaux sociaux dans le cadre professionnel, là encore pour échanger avec d’autres enseignants.
On dit aussi TUIC pour « techniques usuelles de l’information et de la communication », depuis 2008. Les appellations se sont succédé et, localement, cela peut créer de la confusion. Plusieurs sources croisent les données sur la question : « Jeunesse 2.0, les pratiques relationnelles - au cœur des médias sociaux », IFE, février 2012 ; « Chiffres clés de l’utilisation des TIC pour l’apprentissage et l’innovation à l’école en Europe », Eurydice, 2011 ; enquête PROFETIC, ministère de l’Éducation nationale, juillet 2011 et CNIL 2021, d’après Elodie Gentina (IÉSEG) pour The Conversation, novembre 2021
Les équipements de base sont généralisés dans les écoles : présence d’ordinateurs (92%) et vidéoprojecteurs (70%). Les vidéoprojecteurs sont utilisés par près de 9 enseignants sur 10 (87%) lorsqu’ils sont présents. Les ordinateurs sont utilisés à la fois par les élèves (62%) mais également par les enseignants eux-mêmes (83%).
Afin d’intégrer le numérique en classe, des aménagements ont été réalisés dans les écoles, 43% des enseignants du 1er degré ont perçu ces aménagements dans leur école. 24% des enseignants déclarent que leur école dispose de tablettes mais près de la moitié d’entre eux estiment qu’elles sont difficilement disponibles.
Au lycée, sont évoqués des obstacles liés à des problèmes d’organisation (incompatibilité des horaires, difficulté de gestion des classes) ou encore d’assistance (défaillance des réseaux). C’est à présent le cadre scolaire qui ralentit l’inévitable pénétration du numérique.
L’émergence rapide des Twittclasses, tous milieux confondus, témoigne de l’introduction assumée par des profs de terrain d’une communication interactive et créative en classe, avec des élèves2.
Le numérique à l’école, quels résultats ?
Alors que l’usage d’autres outils n’est pas questionné sur leur efficacité, tant ils se sont imposés par l’histoire ou par la coutume , le numérique n’est pas à l’abri de suspicions, apanage de toute nouveauté dans de vieux systèmes structurés. Les études comparatives circulent sur le réseau, avec des résultats parfois contradictoires. Un des plus récents, dans les cahiers du GIRSF, No 120 (2020): Le numérique va-t-il révolutionner l’éducation ? déconstruit sept idées courantes autour du numérique en éducation: l’interactivité et le caractère multimédia du numérique boostent l’apprentissage ; le numérique favorise l’autonomie des apprenants ; le numérique est plus motivant ; jeux vidéo et programmation permettent de développer des compétences transversales ; les savoirs sont disponibles en ligne, donc plus besoin de les enseigner et de les apprendre ; les apprenants d’aujourd’hui sont fondamentalement différents de ceux qui les ont précédés ; le numérique permet de faire baisser les coûts de l’éducation. Les résultats indiquent que ces idées sont largement erronées. Au regard des apprentissages, le numérique n’apparaît ni meilleur ni pire qu’un autre outil ou support, mais présente des coûts cachés souvent peu évoqués.
.Les usages renvoient aux conceptions mêmes de l’apprentissage par les enseignants.. John Hattie reconnaissait que l’impact des technologies sur la réussite pouvait être accru si elles permettent de varier les stratégies pédagogiques si :
Les technologies augmentent les possibilités d’apprendre.
L’élève augmente son sentiment de contrôle face aux apprentissages réalisés.
L’apprentissage collaboratif ou par les pairs est accru.
La rétroaction est optimisée.
L’éclairage plus récent des neuro-sciences permet de focaliser l’attention sur les processus d’apprentissage que sur l’équipement numérique : chacun des quatre piliers de l’apprentissage :
capter l’attention des élèves, l’idéal est de mettre en place un cours interactif, peut-être même avec des jeux, tels que les serious games ;
stimuler leur engagement actif, avec un tableau numérique interactif ;
faire un retour sur erreur efficace, un feedback utile, grâce à des tests numériques personnalisés et continus ;
favoriser la consolidation des connaissances, grâce à des supports variés permettant de faire passer un même message de manière très diversifiée.
La condition sine qua non : la formation, mais quelle formation ?
D’après le rapport de l’OCDE1 en 2015 l’introduction du numérique ne peut être efficace que si les enseignants sont bien formés aux usages pédagogiques, un levier identifié par Hattie de la même manière. Les solutions « formation » ne sont pourtant pas à apprécier à la même aune. La période « continuité pédagogique » a connu l’inflation des offres de formation numérique des services académiques et des organismes privés par ailleurs et dans le même moment un décollage impressionnant des groupes professionnels sur les réseaux sociaux, quand les grands rassemblements Eductech restent encore à l’agenda.
Elle porte sur 2 334 enseignants du primaire en 2019. https://eduscol.education.fr/103/j-enseigne-avec-le-numerique - Le site Twittclasses francophones (http://twittclasses.fr) . On peut suivre la balise #Twittclasse. Et le journal https://ecolebranchee.com/une-invitation-a-participer-au-journal-des-twittclasses/- Voir un exemple de pratique développée dans l’école de Crotenay (Jura) : http://amandineter.free.fr/Journal_Twitter_Cycle_3/Journal/Journal.html
Bruno Devauchelle en 2021 dresse un constat en demi-teinte : « La plupart des déçus de la formation expliquent l'écart ou le fossé entre les temps de formation et le quotidien de la classe. Les situations vécues d'un véritable accompagnement de proximité sont plébiscitées. Le numérique a ceci de particulier qu'il est "fragile" à mettre en œuvre pour la plupart d'entre nous et que nous avons besoin d'être soutenus "juste à temps" surtout en classe. »
Le numérique, une carte heuristique pour repérer votre pratique
Les travaux de Nesta[1] permettent de construire une carte heuristique à partir des manières d’apprendre ; Ces propositions rencontrent vraisemblablement une ou plusieurs des pratiques que vous mettez en place avec vos élèves. Saurez-vous les retrouver ?
www.oecd.org/fr/edu/scolaire/Connectes-pour-apprendre-les-eleves-et-les- nouvelles-technologies-principaux-resultats.pdf http://urlz.fr/6uSj [1] http://www.nesta.org.uk/
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