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Je n'ai pas les moyens.

 

Isabelle, professeure de mathématiques dans un collège de zone rurale, se souvient de son premier défi professionnel. Fraîchement diplômée, sans budget de formation, elle devait pourtant transformer ses pratiques pédagogiques. Comment ? En découvrant que les moyens de se développer professionnellement ne se mesurent pas à l'aune des ressources financières, mais à la capacité d'inventivité et de collaboration.

 

Les systèmes éducatifs contemporains font face à un défi majeur : comment permettre le développement professionnel des enseignants dans un contexte de restrictions budgétaires croissantes ? Les travaux de John Hattie, compilés dans sa méta-analyse "Visible Learning" (2009), démontrent que le développement professionnel des enseignants représente l'un des facteurs les plus significatifs d'amélioration des apprentissages, avec un effet size de 0,90, soit près d'une année scolaire supplémentaire d'apprentissage.

 

Le développement professionnel au quotidien

L'analyse réflexive comme pratique

Chaque semaine, Clara prend 30 minutes pour son journal professionnel. Un cahier où elle consigne ses réussites, ses échecs, ses questionnements. À la manière des pratiques finlandaises, ce temps d'introspection devient un moment de développement personnel.

 

Les travaux de Donald Schön sur la pratique réflexive ont ouvert de nouvelles perspectives sur le développement professionnel. Il démontre que l'analyse réflexive constitue un levier de développement gratuit, personnalisé et directement ancré dans la pratique quotidienne.

 

Les modalités concrètes de cette approche sont simples mais puissantes : tenue d'un journal professionnel, analyse systématique de ses pratiques, capitalisation continue des expériences professionnelles. Cette démarche ne requiert aucun investissement financier, mais demande engagement et rigueur intellectuelle.

 

Transformer les erreurs en opportunités

Un cours qui ne fonctionne pas n'est plus un échec, mais une opportunité d'apprentissage. Les systèmes éducatifs scandinaves ont compris que chaque moment professionnel peut être source de progression.

 

Les micro-moments de formation

Un article lu pendant une pause, une vidéo pédagogique regardée durant un trajet, un podcast écouté le week-end. Ces micro-moments, agrégés, constituent une stratégie de développement professionnel continue et gratuite.

 

Les ressources cachées de l'environnement scolaire

L'observation comme miroir professionnel

Dans les couloirs du lycée Karelia à Helsinki, Annika, enseignante de sciences, attend son collègue Marc. Chaque mois, ils ont instauré un rituel : observer mutuellement leurs cours. Ce n'est pas une inspection, mais un moment d'échange et de réflexion. Quand Marc termine sa séquence sur la photosynthèse, Annika prend des notes, non pour juger, mais pour comprendre.

 

En France, dans l'académie de Grenoble, des groupes d'écoles ont systématisé cette pratique. Un professeur d'histoire échange sa classe avec un collègue de mathématiques, permettant un regard neuf sur les pratiques pédagogiques. Aucun budget n'est nécessaire, juste de la volonté et de l'ouverture.

 

Les modèles finlandais et japonais de "Lesson Study" offrent une alternative économique et particulièrement innovante aux formations traditionnelles. Une étude comparative internationale publiée dans le "Journal of Educational Change" (2015) a mis en lumière les bénéfices substantiels de cette approche. Contrairement aux formations classiques coûteuses, ces dispositifs permettent une amélioration continue des pratiques pédagogiques par un développement professionnel horizontal et une mutualisation des ressources, le tout à un coût minimal de mise en œuvre.

 

Les trésors documentaires de proximité

La salle des professeurs n'est plus un simple lieu de pause. À l'image de l'école primaire de Bordeaux, elle devient un espace collaboratif où chacun apporte et partage. Un livre, un article de recherche, un support pédagogique : autant de ressources qui circulent gratuitement.

 

Au Japon, dans les écoles de Tokyo, des "murs d'apprentissage" permettent à chaque enseignant d'afficher ses découvertes, ses recherches. Un professeur d'anglais peut ainsi s'inspirer des travaux d'un collègue de sciences physiques sur la motivation des élèves.

 

Les projets collaboratifs internes

À Wellington, en Nouvelle-Zélande, une école a transformé ses mercredis après-midi. Plutôt qu'une formation coûteuse, les enseignants se réunissent par groupes interdisciplinaires. Objectif : construire ensemble des séquences pédagogiques innovantes pour les élèves en difficulté.

 

En Catalogne, des établissements ont créé des "laboratoires pédagogiques" où, chaque trimestre, les enseignants co-construisent des projets. Un professeur d'arts plastiques travaille avec un professeur de mathématiques sur un projet de géométrie créative.

 

L'écosystème  numérique de développement professionnel

Le potentiel des ressources numériques est devenue une modalité de développement professionne[1]l. Ces technologies offrent un parcours de formation gratuit, totalement personnalisable, accessible à tout moment et constamment actualisé.

 

L'OCDE[2] souligne la révolution silencieuse des technologies numériques comme levier de développement professionnel à moindre coût. Les plateformes collaboratives, webinaires et communautés en ligne représentent bien plus qu'une simple alternative économique : elles constituent désormais un écosystème complet de développement professionnel. Ces ressources offrent un accès gratuit à des contenus internationaux, permettent des échanges de pratiques instantanés, assurent une actualisation continue des connaissances et proposent une personnalisation sans précédent du développement professionnel.

 

 

Les ressources identifiées sont nombreuses et variées : podcasts pédagogiques, webinaires gratuits, communautés numériques d'enseignants, plateformes collaboratives internationales. Chacune de ces ressources représente une opportunité de développement professionnel sans équivalent dans les modèles traditionnels de formation.

 

Les ressources gratuites en ligne

Pierre, professeur de physique-chimie, découvre chaque semaine de nouvelles ressources sur "Edutech". Des séquences didactiques, des supports de cours innovants, accessibles gratuitement. Sur YouTube, les conférences de John Hattie lui offrent un regard critique sur ses pratiques.

 

En Ontario, la plateforme "TeacherConnect" permet aux enseignants de partager leurs innovations. Un professeur d'histoire peut y trouver des ressources créées par des collègues du monde entier, sans la moindre contrainte budgétaire.

 

Les podcasts, une formation continue gratuite

Durant ses trajets, Julien écoute des podcasts pédagogiques. Des interventions de chercheurs comme Helen Timperley, des retours d'expériences d'enseignants du monde entier. Chaque trajet devient un moment de développement professionnel.

 

Les communautés numériques de pratique

Sur Twitter, le hashtag #ProfsInnovants devient un espace de développement professionnel permanent. Chaque jour, des échanges, des conseils, des partages de pratiques. Sophie, professeure en zone d'éducation prioritaire, trouve là des ressources pour différencier son enseignement.

 

En Estonie, des groupes WhatsApp disciplinaires sont devenus des espaces d'accompagnement professionnel en temps réel. Un professeur de mathématiques peut y poser une question, obtenir une réponse en quelques minutes.

 

Stratégies concrètes de développement professionnel économique

Les communautés apprenantes de proximité

Les recherches d'Etienne Wenger sur les communautés de pratique ont profondément transformé notre compréhension du développement professionnel. Sa théorie démontre que le développement le plus efficace se construit dans des environnements collaboratifs, horizontaux, basés sur l'échange et la réciprocité, sans nécessiter d'investissements financiers significatifs.

 

Les exemples internationaux illustrent parfaitement cette approche. En Finlande, les établissements scolaires ont institutionnalisé deux heures mensuelles d'observation croisée entre enseignants. Au Japon, la pratique des "Lesson Study" est systématisée dans chaque établissement. En Nouvelle-Zélande, des groupes de recherche-action internes ont été créés, permettant un développement professionnel endogène et économique.

 

La recherche-action comme alternative économique

Helen Timperley[3] établit un cadre théorique précis pour comprendre les approches de développement professionnel les plus efficaces. Ces dernières se caractérisent par un ancrage profond dans le contexte spécifique de l'enseignant, reposant sur une démarche réflexive qui implique une analyse systématique des pratiques. Le point crucial réside dans le fait que ces approches ne nécessitent pas d'investissements financiers massifs, mais plutôt une posture intellectuelle et professionnelle renouvelée.

 

Les travaux de François Muller en France apportent une validation empirique à cette perspective. Sa recherche menée dans l'académie de Grenoble démontre qu'un enseignant peut significativement améliorer ses performances pédagogiques en développant une pratique réflexive structurée, sans engager de coûts supplémentaires. L'étude révèle qu'une approche méthodique d'auto-analyse peut permettre un gain de 0,7 écart-type en termes de performance pédagogique.

 

Monter et animer un groupe de "co-développement", Guide et exemples du Québec [4]

Le codéveloppement est une « approche de formation qui mise sur le groupe et sur les interactions des participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer la pratique professionnelle » (2). Il repose sur un modèle d’accompagnement en groupe restreint et de formation continue fondé sur l’«apprendre ensemble ». En d’autres mots, cette approche utilise l’entraide par les pairs pour susciter la réflexion sur sa pratique en vue de développer ses compétences.

 Un groupe est composé de quatre à dix professionnelles et professionnels de l’orientation. À tour de rôle, les membres agissent à titre d’accompagné et d’accompagnant. L’accompagné témoigne d’une préoccupation liée à son travail, d’un défi ou d’une impasse professionnelle en précisant l’aide qu’il attend du groupe. Les accompagnants (autres membres du groupe) écoutent l’accompagné afin de lui apporter leur aide, selon ses besoins.


L’un des objectifs est de former des professionnelles et des professionnels de l’orientation afin qu’ils puissent mettre sur pied un groupe de codéveloppement dans leur milieu et en assurer l’animation. L’équipe de recherche du projet propose trois étapes à réaliser avant de se lancer dans l’animation d’un groupe de codéveloppement :


La deuxième étape consiste à recruter les participants . La démarche de codéveloppement se réalise en groupe restreint. L’expérience tend à montrer que dix membres dans un groupe constituent une limite à ne pas franchir pour permettre des échanges fructueux et des interactions significatives sans restreindre le temps de parole de chaque participant.

La troisième étape consiste à s’approprier les fondements du codéveloppement et le déroulement d’une séance ainsi qu’à bien comprendre le rôle de l’animateur :

  • Rendre explicite le lien entre le cas présenté par l’accompagné et la cible établie par le groupe;

  • Comprendre le point de vue de l’accompagné, dans sa situation singulière et son contexte de travail;

  • Favoriser les interactions dans le groupe et l’apport des membres du groupe à chaque étape du codéveloppement, tout en préservant l’autonomie de l’accompagné;

  • Soutenir l’accompagné tout en se préoccupant des besoins et des apprentissages vicariants des autres membres du groupe;

  • Respecter les fondements de l’animation en groupe restreint (1) qui s’appliquent au codéve-loppement (ex. : instaurer un climat de confiance et de convivialité, clarifier le fonctionnement du groupe, équilibrer la participation).

Une transformation des paradigmes de formation

Le développement professionnel n'est plus perçu comme un coût mais comme un investissement stratégique. Les systèmes éducatifs les plus performants sont ceux qui ont su développer des écosystèmes de formation flexibles, économiques et centrés sur les besoins spécifiques des enseignants.

 

Le développement professionnel devient un processus d'émancipation. L'enseignant passe du statut d'exécutant à celui de praticien-chercheur, capable d'analyser et transformer continuellement ses pratiques.

 

Conclusion

Le développement professionnel des enseignants ne dépend pas des moyens financiers mais de la capacité à mobiliser des ressources immatérielles : créativité, collaboration, réflexivité. La recherche internationale démontre qu'avec motivation et stratégie, chaque enseignant peut devenir acteur de sa propre transformation professionnelle.


[1] Une étude comparative internationale publiée dans "Educational Technology Research" (2019)

[2] dans son rapport "Innovative Professional Development" (2020)

[3] dans sa recherche fondamentale "Professional Learning and Development" (2008)

[4]Voir le pdf et les adresses dont le PREZI


Ce post est extrait d'une série de 20 textes sur les idées reçues en développement professionnel et surtout les dépasser. voir ici


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