Analyser les pratiques des élèves
Je ne suis pas psy ! » entend-on rageusement dans une salle des profs ; c’est vrai ; et pourtant, l’enseignant peut partager une certaine expertise « clinique » quand il se trouve confronté à des processus complexes, invisibles et terriblement actifs dont les élèves font montre : l’analyse des erreurs ou encore les symptômes des échecs ; c’est nécessaire quand le maître organise l’expérimentation et l’apprentissage de chacun dans sa classe. Ce sont des opérations qui s’imposent à tout enseignant. Mais le sait-il ?
DU CONSTAT DE L’ERREUR À L’ANALYSE DU TRAVAIL ET DE LA RÉFLEXION DE L’ÉLÈVE
Analyser des pratiques scolaires, c’est se confronter à des réalités vivantes et imparfaites, très différentes de ce que certains auraient parfois osé imaginer. La photo n’est jamais lisse, elle présente des rugosités. À bien ana-lyser les pratiques, l’enseignant se trouve réduit à diagnostiquer des erreurs dont il ne sait que faire si ce n’est les relever… et les « noter ».
La saturation des relations par l’évaluation, facteur d’angoisse et d’immobilisation des ressources personnelles, finit par pervertir l’analyse elle-même. Personne ne résiste à la supervision permanente d’un juge. Se donner le temps de l’analyse, c’est exclure pour un temps tout regard ou toute intention relative à l’évaluation sommative, pour mieux saisir les « grains » de l’action.
Mes élèves font tellement de fautes, que je ne sais plus comment les noter.
Passer du concept de faute à celui d’erreur
Jean-Pierre Astolfi, didacticien et professeur de sciences de l’éducation à l’université de Rouen, s’interroge sur le statut de l’erreur dans les apprentissages. Premier constat : l’erreur scolaire est plutôt source d’angoisse, alors qu’en dehors de l’école (dans le domaine sportif par exemple) elle est davantage source de défi et d’émulation pour les jeunes.
Ainsi, l’« aversion spontanée pour l’erreur à l’école et le rejet didactique qui en résulte souvent correspondent d’abord à une certaine représentation de l’acte d’apprendre, largement partagée par les enseignants et les parents. »
Propos d’élèves
Dans l’ouvrage Apprendre à apprendre, André Giordan et Jérôme Saltet, ont recueilli les propos des élèves relatifs aux erreurs les plus courantes :
Je n’ai pas fait assez attention aux questions, aux consignes, aux informations demandées
Je n’ai pas appris
Je n’ai pas compris ce que je devais apprendre
J’ai oublié alors que j’ai cru que j’avais bien appris.
J’ai cru que j’avais compris.
J’ai mal compris l’énoncé.
J’ai stressé. J’ai perdu mes moyens.
Je me suis dit que je n’y arriverais pas. J’ai peur d’échouer.
Je n’ai pas eu le temps de finir.
J’ai oublié un mot, une idée, j’ai perdu le fil de mes pensées.
Je n’ai pas été assez précis ou complet.
Et ils en proposent des résolutions (en ligne sur https://apprendre-reviser-memoriser.fr/erreurs-frequentes-a-lecole/
Dans l’idée d’une acquisition naturelle des connaissances, les erreurs ne peuvent être considérées que comme des « ratés » de l’apprentissage. Symptôme d’une incompétence, l’erreur est alors synonyme de faute ou de bug au sens informatique. Chaque type d’erreur est le produit d’une réflexion de l’élève confronté à une tâche donnée par l’enseignant ; il faut abandonner le concept de faute qui reporte la charge sur l’élève. Dans une erreur rencontrée, la part de l’enseignant est aussi importante, tant dans son origine que dans sa résolution.
La vérité naît plus facilement de l’erreur qu’elle ne naît de la confusion. » Francis Bacon
Petite typologie des erreurs possibles
Astolfi identifie les principaux types d’erreurs scolaires pour lesquelles il propose médiations et remédiations1. L’erreur est, selon les cas, due à :
une complexité propre au contenu d’enseignement ;
des conceptions alternatives (ou représentations) ;
des démarches étonnantes de résolution ;
une difficulté de compréhension des consignes ;
un emprunt à une autre discipline, mais d’emploi décalé ;
des habitudes scolaires, héritées d’un autre niveau ;
des opérations intellectuelles ;
une surcharge cognitive face à un savoir difficile d’accès.
C’est une grille d’analyse à avoir en tête quand on regarde et qu’on écoute ses élèves au travail, dans les interactions d’une classe ou sur les pages d’un devoir.
1. D’après J.-P. Astolfi, « L’Erreur, un outil pour enseigner », Paris, ESF, 1997 ; voir aussi G. de Vecchi, Faire construire des savoirs, Hachette Éducation. Paris, 1996, pp. 76-77.
Prévenir les erreurs possibles avec les élèves
Confronté à ce difficile devoir d’analyse des erreurs, les collègues de la Sarthe proposent quelques pistes 1 :
❏ varier les présentations, les supports ;
❏ réfléchir aux situations trop éloignées du quotidien des élèves ;
❏ diversifier les démarches d’enseignement et d’évaluation ;
❏ aider les élèves à diversifier leurs procédures en leur donnant des moyens pour y parvenir ;
❏ considérer la lecture de la consigne comme un temps important de lecture ;
❏ aider les élèves à s’interroger sur le sens de la consigne, identifier les mots importants, la reformuler, se représenter mentalement le travail à effectuer ;
❏ permettre de vérifier au cours de la tâche que la consigne a bien été appliquée ;
❏ aider les élèves à se projeter dans la situation, se constituer une image mentale de la connaissance à acquérir ;
❏ multiplier les activités de tri, de classement, de comparaison, de rangement ;
❏ inciter l’élève au transfert des acquis grâce à un travail plus transversal, interdisciplinaire ;
❏ freiner l’impulsivité en exigeant de la réflexion, de la concentration ;
❏ consolider les connaissances de base par des exercices d’entraînement ;
❏ inviter les élèves à rendre explicites, par le moyen de codes différents, leur démarche et leur lecture du réel ;
❏ différer l’apprentissage mais revenir sur les acquisitions nécessaires ;
❏ reprendre l’apprentissage à son point de départ en modifiant les situations, en introduisant des supports très concrets, en multipliant les manipulations ;
❏ aider l’élève à faire émerger ses représentations existantes pour qu’il puisse les reconnaître, les rejeter comme inefficaces, et lui donner ainsi tous les moyens de les corriger ;
❏ donner des exercices de consolidation de complexité croissante.
✐ Cochez les cinq solutions que vous choisiriez.
D’après « Exploiter l’évaluation CE2 », Inspection académique de la Sarthe, septembre 2001
AFFINER SON ANALYSE SUR LES DIFFICULTÉS DES ÉLÈVES
L’analyse des pratiques des élèves vient buter sur la vraie difficulté scolaire qui s’impose à un moment donné de la vie d’un enseignant, d’ailleurs souvent en début de carrière. Prononcer un diagnostic comme « bon élève/mauvais élève » est chose aventureuse, quand on n’est pas à même de justifier son avis autrement que par ses seules notations fort subjectives, la docimologie l’a montré. La prudence en la matière est de mise. L’analyse doit s’attarder sur des faits observables par tous, récurrents, avant de porter tout jugement hâtif et d’accoler une pastille noire sur la liste d’élèves dans le bureau du principal adjoint (chose vue !).
Je n’ai que des élèves en échec scolaire !
Élèves en difficulté : un casse-tête pour le prof !
À chacun ses représentations. L’étude de Chi-Lan Do, docteur en psychologie à Paris 5 sur « Les représentations de la grande difficulté scolaire par les enseignants » (DEPP, mars 2007) illustre la difficulté que nous rencontrons quotidiennement dans l’analyse. Notre attitude pourrait se résumer en une « attribution causale externe » : c’est pas nous, c’est eux ! Pour la majorité des profs, l’origine de la difficulté pro- viendrait d’abord de l’environnement de l’enfant, puis de l’organisation du système éducatif. Pour un prof sur dix, la difficulté vient de l’élève lui-même. Dans le détail, les professeurs citent : l’absence d’intérêt des familles, l’absence de prise en charge des élèves en grande difficulté et le manque de bases solides.
Un autre trait commun partagé par beaucoup d’enseignants est d’imputer la responsabilité aux autres : 82,9 % des professeurs de collège affirment ainsi que c’est avant le collège que la grande difficulté scolaire doit être traitée ; et par cascade, 45,8 % des professeurs des écoles désignent l’entrée en grande section de maternelle.
Que faire face à la grande difficulté scolaire ? 84 % des profs de collège et 62 % des profs des écoles ne croient pas que le redoublement soit une solution. Et pourtant, on continue ! Neuf profs sur dix croient en « l’efficacité du soutien individualisé et en l’aide au travail personnel » : trois profs des écoles sur quatre connaissent le RASED et deux profs de collège sur trois mentionnent « l’orientation précoce dans des structures particulières ». Les profs sont demandeurs de formation, voire de « méthodes qui marchent » ou de « trucs ».
Selon Chi-Lan Do, les professeurs se diviseraient en trois groupes. Il y aurait « ceux qui éprouvent un sentiment de “combativité et de défi” face à un phénomène qu’ils jugent inacceptable et qui les conduit à ajuster leur niveau d’exigence en modifiant leurs méthodes et pratiques ou leur relation à l’élève ; ceux qui mettent en avant leur “sens du devoir et souci d’équité envers l’élève” ; ceux qui ressentent une impression “d’impuissance, isolement ou fatalisme” devant un phénomène perçu comme inéluctable et ont davantage tendance à baisser leur niveau d’exigence ».
Un outil pour faire la distinction. Depuis une vingtaine d’années, les recherches sur ce thème ont été nombreuses et riches, notamment à partir d’entre- tiens menés avec des élèves d’établissements de banlieues afin de mieux comprendre comment se construit leur rapport au savoir. Je vous pro- pose de reprendre un tableau issu des Cahiers pédagogiques (n° 277) : syn- thétique, il permet de mieux diagnostiquer la situation donnée d’un élève sur la base de ses actes, de ses propos, de ses résultats et de dépasser la seule moyenne de 8,75/20 qui, en soi, n’a qu’une valeur très relative. Cet outil permet de donner quelques indicateurs afin de faire la distinction entre élève en difficulté et élève en échec.
| Élève en difficulté | Élève en échec |
Comportement | Comportement ordinaire | Agitation, fatigabilité |
Gestion du temps | L’élève manque de temps, il en prend beaucoup pour entrer dans la tâche, il est souvent perdu par le rythme du cours mais il reste accroché si l’enseignant s’adapte à lui. Il ressent souvent une impression d’overdose (trop à assimiler en une séquence) | L’élève a trop de temps. Parfois il n’arrive pas à entrer dans la tâche ou y entre beaucoup trop vite. Très vite dépassé, il souhaite que le cours se termine le plus tôt possible d’où un sentiment d’ennui. |
Relation à l’enseignant | L’élève est gêné par l’imposition d’un schéma de pensée extérieur à ses connaissances. Il sollicite de l’aide car il sait où sont ses erreurs. | Il ne sollicite pas d’aide car il ne parvient pas à s’évaluer, alors qu’il aurait besoin d’être guidé pas à pas. |
Relation au groupe- classe | Le groupe peut aider l’élève à progresser et souvent l’élève est demandeur de ce type de travail. | Le groupe gêne l’élève qui ne sait pas en tirer parti ou l’élève gêne le groupe par un comportement difficile. | |
Relation à l’apprentissage | L’élève est tolérant à l’incertitude, à la nouveauté, à la recherche. Il peut intégrer la correction de ses erreurs et améliorer peu à peu ses performances. Sa compréhension est partielle, empirique (certains indices montrent qu’il comprend mais il ne peut verbaliser). Ses travaux sont souvent incomplets. Il peut suivre un apprentissage en classe. Le sens du travail scolaire est compris, voire admis. Il peut fonctionner en établissant des gradations (plus ou moins vraies, plus ou moins efficace…). | L’élève est soit intolérant à l’incertitude, soit indifférent (il ne perçoit pas l’enjeu du travail). La correction de ses erreurs n’améliore pas ses performances. Son incompréhension est souvent totale. Ses travaux sont vides ou illogiques ou complètement décentrés par rapport à la consigne. Il ne peut suivre qu’un apprentissage distribué. Le sens du travail scolaire n’est pas compris, voire rejeté. Il fonctionne souvent en oppositions binaires (vrai/faux, bon/méchant, bien/nul…) qui gênent l’appréhension de la réalité. | |
L’écriture et la lecture | L’élève commet beaucoup de fautes (orthographe, syntaxe) et la graphie est mal contrôlée, mais la phrase a un sens. La lecture est lente mais l’élève comprend certaines informations lues. | Les phrases sont partielles, tronquées, souvent phonétiques et presque illisibles. La lecture n’est qu’un déchiffrement incompris. |
Le bilan de l’outil. Cette opposition bipolaire est bien sûr incomplète et extrême (bon nombre d’élèves étant en difficulté pour certains critères et en échec sur d’autres). Mais cet outil a une vertu : les indices de l’élève en difficulté montrent que son problème essentiel est le manque de temps et qu’il faut donc en faire « un peu plus » ou « un peu plus longtemps » avec lui.
Disposer de plus de temps ne change pas grand-chose car ils cherchent à écourter le temps consacré aux apprentissages classiques : il faut donc « faire autrement » avec eux.
CRÉER LES CONDITIONS DE L’ANALYSE, L’EXEMPLE DE LA DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE
Faire autrement peut consister à mener le travail d’analyse en favorisant, dans son enseignement, le questionnement et la confrontation. ont été poussés sur le côté. Au milieu trône un grand saladier d’eau entouré de fruits : raisin, pomme, noix, banane et pamplemousse. Les élèves de CE1 campent autour du maître qui leur distribue à chacun une petite feuille à deux colonnes : ça flotte, ça coule. On fait un pari, dit le maître ; chacun va inscrire ce qu’il pense qu’il va se passer pour chaque fruit. Rapide concertation ; c’est sûr, dans la colonne « ça coule », beaucoup y inscrivent d’office le pamplemousse : « C’est gros et c’est lourd. » À l’inverse, le raisin trouve facilement sa place dans « ça flotte » ; c’est évident, il est petit et léger. Le maître fait le tour ; les jeux sont faits. On va procéder au tirage. Stupeur : quand le pamplemousse jeté avec assurance dans le saladier commence à remonter, on entend des cris étouffés (« Oh, non ! » à côté de « yeeess ! ») ; c’est une clameur plus du tout étouffée quand le raisin coule à pic.
Faire des sciences dans les petites classes, c’est difficile, voire impossible.
Retour au calme et debriefing ensemble : finalement, à l’épreuve de la réalité observée, ce que je crois ne se vérifie pas ; les apparences sont trompeuses ; il doit bien y avoir des règles qui expliquent ce phénomène qui n’a donc plus rien de paranormal. Des suggestions émergent, inscrites sur le tableau : on va les peser ces fruits, puis les mesurer ; il doit exister des points communs ; et puis, si je perçais le pamplemousse, il coulerait non ?
Archimède n’est pas très loin… mais en cours élémentaire, le maître entend rester à un niveau accessible pour ses élèves sans dépasser ce que le programme lui demande. Il peut cependant envisager la combinaison de plusieurs variables pour expliquer l’inexplicable : comment un bateau gros et lourd flotte-t-il ?
Comment bien conduire l’expérimentation
Le GTD (groupe technique disciplinaire) de physique (programme de seconde) prodigue deux conditions nécessaires pour que cet enseignement expérimental remplisse pleinement son rôle, quel que soit le niveau des élèves : Les élèves doivent savoir ce qu’ils cherchent, anticiper (quitte à faire des erreurs) un ou des résultats possibles, agir, expérimenter, conclure et ainsi élaborer leurs connaissances.
L’enseignant doit veiller à bien définir les objectifs de contenus et à limiter le nombre des compétences mises en jeu dans une séance de TP afin de bien dégager les notions qu’il veut faire acquérir. Avant toute entrée dans le processus de résolution et d’expérimentation, il doit vérifier, lors du débat, que les élèves ont bien compris la question et/ou les termes du problème à résoudre.
Bonus Web ☛ La MAP (main à la pâte) a capitalisé approches expérimentales, ressources et outils pour permettre aux enseignants du primaire d’engager la démarche expérimentale avec leurs élèves. Son site Internet (www.fondation-lamap.org), très riche, propose une rubrique intitulée les « 10 principes » qui fournit la matrice de toute activité d’observation et de recherche active avec les élèves.
ESSAYER, EXPLORER, EXPLICITER SON CHEMINEMENT INTELLECTUEL
La démarche expérimentale est classique dans certaines disciplines ; on peut la transposer dans d’autres champs disciplinaires, en retenant quelques éléments de son protocole, notamment, la démarche d’explicitation des raisonnements.
Un « carnet d’expériences » pour analyser des pratiques
Au collège Marx-Dormoy, à Paris, un trio d’enseignants (technologie, SVT et physique) avait instauré une démarche très originale de « carnet d’expériences ». Des entretiens ont permis d’analyser les pratiques des élèves de cinquième. (Vous retrouverez d’autres types d’évaluation, chapitre 27.)
Utilisation du carnet. « Les élèves n’ont pas encore le réflexe d’utiliser naturellement leur carnet. Ils ont souvent la mauvaise habitude de ne pas poser l’énoncé ou la question qui leur est posée, ce qui a pour conséquence des réponses erronées ou des hors-sujet. La relecture du carnet devient alors impossible à court et à long terme. »
Et l’été, que devient le travail de l’élève ?
Organisation du carnet. « Nous constations ensemble un manque organisation, des suites de problèmes sans cohérence. Comment organiser cela ? La plupart ont proposé de dater, de séparer par des traits ou de mettre en place un système de couleurs permettant de repérer les disciplines. D’autres ont avancé l’idée de faire des parties dans leur carnet pour chaque discipline. Preuve que le cloisonnement a la vie dure et que notre système a ses limites puisque nous avions précisément mis en place le car- net pour lutter contre cette volonté de séparer les problèmes. »
Lisibilité du carnet. « Nous les avons fait travailler sur les représentations graphiques, comme moyen essentiel de s’exprimer, à base d’exemples
(Léonard de Vinci, Picasso, mais aussi ce que fait un chercheur du CNRS), en insistant sur la clarté (indispensable pour une réutilisation future). Nous leur avons aussi conseillé d’utiliser le crayon plutôt que le stylo pour faire des dessins (mais d’éviter d’effacer surtout dans une phase de recherche) et d’agrandir les dessins lorsque l’on a des difficultés à les faire. »
Utilité du cahier. « Nous avons discuté avec des élèves qui ne comprenaient pas l’intérêt du cahier. Nous avons essayé de leur faire comprendre ce qui pouvait les aider dans cette nouvelle pratique, nous avons aussi jugé de leur investissement dans le projet. Ces élèves sont peu nombreux, mais nous aurions dû intervenir plus tôt. »
Appropriation du cahier. « Nous avons trois élèves, qui ne sont pas les meilleurs, mais qui ont des passions personnelles, la sculpture, les sciences, et la littérature. Nous leur avons proposé d’investir leurs recherches personnelles dans leur cahier (en leur montrant des exemples). Nous pensons que l’utilisation personnelle est un moyen de mettre en œuvre le processus de manière naturelle, cette découverte est une voie supplémentaire que nous pouvons exploiter. En effet, la détermination de projet personnel permettant aux élèves de focaliser leurs actions sur un sujet qui les motive peut être une appropriation différente, mais aussi intéressante du cahier. »
« Lors de ces premiers entretiens, nous nous sommes concentrés sur le carnet, dans la mesure où il est la mémoire du travail et qu’il doit servir de base de discussion. Nous ferons évoluer le rôle de ces entretiens autour des projets de recherches, ainsi que des projets personnels sur lesquels nous devons agir. »
Le cahier de brouillon et le carnet d’expériences – celui que jamais les chercheurs ne céderaient – seraient donc bien la marque d’une construction des connaissances et partant d’une compétence à l’œuvre. Ainsi, s’attacher à l’analyse des pratiques et des traces du travail participe bien d’une approche par compétences bien comprise, fidèle à l’esprit du socle commun en France, et loin des cases à cocher proposées pour l’heure.
Parle-t-on de la même chose quand l’OCDE (Organisation de coopé- ration et de développement économiques) et l’UE (Union européenne) proposent leurs « compétences-clés », quand les chercheurs s’interrogent sur la contextualisation des savoirs et le dépassement de la pédagogie par objectifs ou encore quand des systèmes éducatifs francophones invoquent les compétences au cœur de leurs réformes des programmes ?
Bonus Web ☛ Rémi Thibert (2016). Représentations et enjeux du travail personnel de l'élève. Dossier de veille de l'IFÉ, n°111, juin . Lyon : ENS de Lyon.En ligne : http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=111&lang=fr
Les cahiers de vacances ?
selon l’étude du Haut Conseil à l’évaluation de l’école, quatre écoliers sur cinq recevraient un cahier de vacances et près d’un quart des lycéens suivraient des travaux d’été.
Quelle efficacité peuvent avoir ces outils ? Jean-Pierre Jarousse et Christine Leroy-Audoin ont étudié, pour l’IREDU, l’efficacité des activités scolaires des élèves en été. Leur travail montre qu’ils ont un impact dans les résultats scolaires. Mais l’efficacité varie selon l’usage du support : les enfants qui terminent le cahier ont de meilleurs résultats que ceux qui ne l’ont pas fait.
Enfin, bien d’autres critères entrent en jeu : l’accompagnement familial par exemple. « À certains enfants, ceux des milieux favorisés, [le temps des vacances] permet de bénéficier à temps plein de leur environnement plus favorable et d’activités, parfois en apparence peu scolaires, qui renforcent leurs compétences ; à d’autres, il fournit l’occasion de s’atteler à un véritable travail… qui doit conduire au minimum au maintien des acquis scolaires. Ceux qui ne participent pas au mouvement ont de fortes chances de se laisser distancer dans une compétition dont ils pensent, à tort, que la reprise officielle n’est programmée qu’à la rentrée…
Finalement, le travail scolaire pendant les congés conduit à un renforcement des différences sociales, sexuelles et scolaires de réussite. » C’est un aspect du « curriculum caché » !
Les conditions pour réussir le cahier d’essai avec les élèves
Ce rapide compte rendu fait apparaître quelques points saillants :
- L’analyse du travail de l’élève se fait sur des objets, sur des traces concrètes et personnelles.
- L’analyse est le fait de plusieurs professeurs partageant les élèves ; elle est un regard croisé.
- L’analyse requiert une participation de l’élève ; elle est un moment réflexif déterminant pour faire évoluer les habitudes scolaires, de part et d’autre.
- Elle fait partie d’un dispositif d’évaluation assez complet qui permet de reporter la note par ailleurs. L’analyse n’est pas la notation.
- L’analyse permet d’entrer dans le détail des pratiques et la spécificité des modes opératoires du travail : elle donne des renseignements susceptibles d’aménager le travail pour l’élève lui-même, mais aussi pour l’enseignant.
- L’analyse n’existe pas en soi, mais se fond dans le cadre d’un projet : projet interdisciplinaire des enseignants, projet personnel à échafauder peu à peu pour l’élève.
AUTOTEST : SAUREZ-VOUS IDENTIFIER LES ERREURS ?
Prenez le dernier paquet de copies des élèves de votre classe, et répondez aux deux questions suivantes :
Proposez un classement du type d’erreurs faites par les élèves.
Quelles activités pourriez-vous mettre en place pour remédier à ces difficultés ?
La musique du jour
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