Où le lecteur découvre la navigation
Jules Verne nous a fait participer activement et de manière stimulante à un Voyage au Centre de la Terre[1] ; peut-être vous souvenez-vous qu’un professeur se mettait en devoir de décoder une énigme runique ; pour cela, il lui fallut partir en aventures pour résoudre des problèmes « éruptifs » tels que nous pouvons encore les connaître dans notre propre monde ; et dans ce parcours, parfois initiatique, parfois intérieur, découvrir des minerais, des trésors, des civilisations perdues ; parvenir enfin à sortir des entrailles de la Terre vers la belle Italie, paradis perdu.
C’est sur l’attrait de ce périple aux côtés de Jules Verne que nous souhaitons placer les démarches, les randonnées, les parcours, les ascensions, les croisières ou les régates auxquelles nous pensons que vous aimerez vous prêter, dans la fierté de ce difficile métier de professeur.
Embarquons !
Avant de vous inviter à une « navigation[2] » dans l’ouvrage et à une exploration personnelle et collective au gré amical des courants de cet ouvrage, et même jusqu’au centre de cette « terra incognita » de notre profession enseignante, nous vous proposons la métaphore du voilier à bord duquel vous pourriez conjoindre ressources et points d’appui.
Si vous avez au moins une fois pratiqué la voile, sur un dériveur, vous connaissez alors le principe du jeu entre forces et contraintes dans un environnement aléatoire. De fait, le dériveur, par sa structure et par votre action sur quelques appuis, se joue des contraintes, voire parfois déterminismes naturels. Hegel parlait à cette occasion d’une « ruse de l’Histoire[3] » en développant l’aspiration de ces premiers hommes qui prirent la Mer contre toute Raison.
Et pourtant, vents et courants sont pour la navigation des « ressources » qu’il vous faut mobiliser grâce à la réalité d’un gréement et d’un accastillage, autant de points d’appui.
Les expressions nautiques sont intéressantes, telles que « mettre en panne », « prendre de l’allure », « être sous le vent »…mais aussi « être au plus près « : cela peut se dire des élèves aussi bien que du vent.
C’est en leur visée que nous allons parcourir ensemble les trois parties du présent ouvrage :
[1] Voyage au centre de la Terre est un roman de science-fiction, écrit en 1864 par Jules Verne. Ayant découvert un manuscrit runique ancien, un savant, son neveu et leur guide entreprennent un voyage vers le centre de la Terre en y entrant par un volcan islandais éteint. Comme à l'habitude de Jules Verne, le roman est un habile mélange de données scientifiques, d'extrapolations osées et d'aventure. L'introduction du roman reflète l'engouement d'alors pour une science jeune, la cryptologie. La suite enchaîne une description de l'Islande de la fin du XIXème siècle, puis une vaste introduction à deux autres sciences en plein essor, la paléontologie et la géologie. L’intégrale du roman peut être écouté en mp3 sur http://www.litteratureaudio.com/index.php/2007/07/17/jules-verne-voyage-au-centre-de-la-terre/ . On complétera utilement l’hommage par l’analyse des dimensions de l’espace et du temps dans le roman proposée par Lionel Dupuy http://pagesperso-orange.fr/jules-verne/CIEH2.htm . Les titres de nos chapitres et leurs introductions s’inspirent explicitement du genre littéraire des chapitres de Jules Verne.
[2] C’est aussi une métaphore et une référence explicite à l’ouvrage de Guy Le Boterf, La navigation professionnelle, comme à celui de Philippe Perrenoud, Voyage au pays des compétences,
[3] « Ce qui est actif est toujours individuel : dans l'action je suis moi-même, c'est mon propre but que je cherche à accomplir. Mais ce but peut être bon, et même universel. L'intérêt peut être tout à fait particulier mais il ne s'ensuit pas qu'il soit opposé à l'Universel. L'Universel doit se réaliser par le particulier. », d’après HEGEL, La Raison dans l’Histoire
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Avant-propos
Tout enseignant doit disposer légitimement de ressources étendues en vue de proposer et donner ou doser son enseignement aux élèves et groupes qui lui sont confiés. Ces ressources sont :
des dispositions organisationnelles mises en place dans l’espace et le temps, partagés avec les élèves, étudiants, « apprenants » ; elles doivent comporter une variété de méthodes et de moyens pédagogiques ; elles comportent également des procédures didactiques propres à la discipline exercée.
la mise en œuvre des ressources dans l’accomplissement des dix compétences[1] nécessaires à l’activité enseignante doit d’autre part pouvoir étayer ses projets cognitifs, éducatifs, culturels, à l’égard des élèves sur des points d’appui.
la mise en œuvre des ressources et l’étayage des points d’appui doit pouvoir s’effectuer avec les indications apportées par des modalités d’évaluation, non pas réduite à la notation obsessionnelle, mais rénovée, comme on le verra :il peut y avoir des « trésors cachés » mais aussi des « Temps retrouvés ».
C’est donc à votre souci de méthode, selon l’élan cartésien, que nous vous proposons cet ouvrage. Dans la mise en œuvre des ressources à sa disposition, et qu’il importe de recenser, selon l’esprit de Méthode cartésien[2], aussi largement que possible, chaque enseignant doit rechercher à étayer ses projets à l’égard de la diversité de ses élèves sur des points d’appui qui peuvent être : référence, illustration, mémento, documents, citations éclairantes, métaphores et analogies, ingénierie, taxonomie mais aussi modalités d’évaluation.
Hésiteriez-vous ? Douteriez-vous de l’importance, en vue de maîtriser les situations d’enseignement, de recenser ou réviser[3]la pluralité des moyens potentiels et des recours ou des consultations, mais aussi des instruments qui peuvent être ajustés dans le champ des possibles, entre lesquels la liberté d’enseigner et l’efficience de l’enseignant peuvent être assurées.
Avant d’aborder l’introduction, il peut être opportun de glisser un œil sur le losange qui permet de voir l’étendue des références et des recours, ainsi que la complexité des interactions par lesquelles l’enseignement s’effectue et nous sollicite.
Losange des références et des recours institutionnels
Comme on peut le voir sur le schéma proposé ci-dessus, il y a dans la complexité des fonctions de l’enseignement une mise en œuvre coordonnée de didactique disciplinaire et de modes pédagogiques diversifiés qui viennent équilibrer et assurer la régulation des relations entre les savoirs et savoir-faire issus des universités, les attentes et ressources issues de l’environnement et de la société, dans la complexité des responsabilités qui lient l’enseignant et ses élèves.
[1] En référence au texte fondateur du B.O. du 1er janvier 2007 ; après le texte de 1995 pour le premier degré et celui de 1977 pour le second degré, et sur les recommandations du Haut Conseil de l’Education, ce texte s’attache dans une conception de la « formation tout au long de la vie » à détailler dix grandes compétences du métier d’enseignant, tous degrés confondus. Chaque compétence combine connaissances, attitudes et capacités, selon la même matrice que celle appliquée au « socle commun de connaissances et de compétences » pour l’élève en fin de scolarité obligatoire.
[2] En révérence au Discours de la Méthode de René Descartes, voir le texte commenté en ligne sur http://descartes.free.fr/
[3] Un tel travail a été effectué dans le cadre d’une recherche à l’INRP sous la direction d’André de PERETTI, dans la fin des années 80, avec une centaine d’enseignants. Les données recueillies ont été publiées en 1984 sous le titre « Rapport de recherche sur les points d’appui de l’enseignant ». Après une seconde édition au début des années 90, cet ouvrage n’a plus été édité. Nous nous sommes librement inspirés de ces données qu’il présentait pour les développer et les enrichir.
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