Ce soir, vous tirez de votre cartable un paquet de copies d’un devoir sur table. C’est la quinzième fois du trimestre pour cette classe, l’avant-dernière avant le conseil de classe. Votre carnet d’évaluation est presque rempli sur Pronote. L’objectif est atteint : la courbe de Gauss se dessine. Et cela est rassurant pour vous. Vous avez préparé une bassine de café car l’expérience vous a appris que le pensum représente trois heures de travail taraudées par une question sans réponse : « Mais à quoi je vois que cet élève a appris ? » L’élève, de son côté, n’a pas la réponse.
LA FRÉQUENTE CONFUSION DES FONCTIONS DE L’ÉVALUATION
L’évocation de cette scène de genre correspond du point de vue des acteurs en présence à un équilibre subtil.
Pour l’enseignant :
fournir une indication de niveau exprimée par une moyenne dans sa discipline sur un livret scolaire, en alignant assez de notes chiffrées sur son carnet dans un temps limité ;
se conformer intuitivement à un modèle mathématique non scolaire (la distribution aléatoire de données suivant une courbe en cloche) devant restituer le classement des performances de ses élèves ;
noter une production écrite comme significative de l’atteinte de compétences élaborées pendant les cours (de préférence), pas toujours explicitées, sans communiquer avec ses collègues son analyse (voir le tableau ci-dessous). Pronote le permettrait facilement avec les pastilles colorées pourtant.
Pour l’élève :
répondre une fois de plus à l’exigence d’une évaluation sommative régulière ;
décoder avec les moyens qui sont les siens les attentes trop implicites de l’exercice, de l’enseignant, de la discipline concernée ;
tenter de pondérer un résultat qu’il ne maîtrise pas, vu l’addition, la multiplication et la division des notes, tempérées par des coefficients variés et secrets (véritable alchimie entre les mains de son enseignant préféré).
Interrogés par leurs enseignants, 119 élèves ont répondu à la question : « Les enseignants notent-ils de façon objective ? » Pour une proportion élevée (plus de la moitié), les notes seraient davantage le fruit de hasards heureux ou malheureux, voire de logiques obscures, que d’une analyse objective de la copie des élèves… À la question : « Pensez-vous que vos progrès sont suffisamment pris en compte dans l’évaluation ? », l’EPS semble se démarquer des autres disciplines où, encore une fois, plus des deux tiers des élèves estiment que leurs progrès ne sont pas suffisamment pris en compte. Manifestement, si « évaluer, c’est communiquer » (d’après Weiss), alors, il y a du travail !
Plusieurs questions de fond restent en suspens : faut-il tout noter ? Évaluer, est-ce (toujours) noter ? Pourquoi évaluer ? Qu’est-ce qu’évaluer ? Comment évaluer ?
Quel évaluateur êtes-vous ?
Une étude de la DEPP (ministère de l’Éducation nationale) analyse les pratiques d’évaluation des enseignants au collège. Trois portraits types apparaissent :
Un premier groupe, qui comprend la moitié des enseignants, principalement des professeurs des disciplines scientifiques : « Peu soucieux de différenciation ou de remédiation, ces enseignants décident seuls des modalités de l’évaluation, à partir des manuels. Leurs pratiques évaluatives, centrées sur les contenus disciplinaires, s’appuient sur des écrits de restitution, dans une démarche d’évaluation plutôt sommative, située en fin de séquences d’apprentissage. »
Un deuxième groupe (38 % des enseignants), composé en majorité de professeurs de français, de langues et d’histoire-géographie. Ils ont une approche plus collective et plus diversifiée : « Appel à l’autonomie et à la créativité des élèves dans des tâches qui sollicitent des compétences transversales prises en compte dans les barèmes de notation ; élaboration des évaluations au fur et à mesure des séquences en fonction du niveau d’acquisition réel des élèves ; importance donnée à la correction, au repérage des erreurs, à l’implication des élèves dans cette phase ; utilisa- tion des résultats des évaluations pour individualiser les apprentissages ; proposition de remédiations, réorganisation des contenus enseignés. »
Un troisième groupe, le plus innovant, rassemble des professeurs d’EPS et d’arts plastiques. Ces enseignants placent l’évaluation en début de séquence, l’élaborent collectivement et pratiquent l’évaluation- diagnostic et l’évaluation formative.
Mais, selon l’étude, les pratiques seraient en pleine évolution et un tiers, voire la moitié des enseignants, repenseraient leur façon d’évaluer en observant les résultats des élèves.
L’enquête TALIS en 20181 détaille les pratiques les plus courantes et les met en regard des situations d’autres pays : l’enseignant, pour évaluer l’apprentissage de ses élèves, déclare fréquemment :
Administrer un test élaboré par l’enseignant : 86 % (moyenne TALIS : 68).
ÉVALUER, C’EST D’ABORD SE POSER LA QUESTION « COMMENT ON ENSEIGNE ? »
L’acte d’évaluation est consubstantiel de l’activité de l’enseignement. Comment passer d’une logique « évaluer des apprentissages » à une autre plus efficiente « évaluer pour les apprentissages » ? Évaluer, c’est enseigner ? Pas sûr que les deux sens se valent. La question nous renvoie immanquable- ment au « complexe de l’origine », à savoir, l’objet même de l’évaluation.
Définir la fonction de l’évaluation
Si les pratiques s’imposent aux enseignants, jeunes et moins jeunes, par reproduction d’expériences (subies ?), par routine, par formation sur le tas, il est très rare que le sens de l’acte soit remis en questionnement
On me dit d’évaluer mes élèves ; j’improvise car je n’ai jamais appris à le faire. .
On peut s’appuyer sur la définition proposée par Stufflebeam assez large pour englober toute pratique :
« processus [1] par lequel on définit [2], obtient [3] et fournit [4] des informations [5] utiles [6] permettant de juger les décisions possibles [7] » :
processus = activité continue
on définit = identifier les informations pertinentes
on obtient = collecter, analyser, mesurer des données
on fournit = communiquer ces données
des informations = faits à interpréter
informations utiles = qui satisfont aux critères de pertinence
décisions possibles = actions d’enseignement, d’orientation, etc.
D. I. Stufflebeam, L’Évaluation en éducation et la prise de décision, NHP, Ottawa, 1980.
Rien n’est dit sur la façon de noter ou d’effectuer des calculs de moyennes. Il s’agit d’extraire de la valeur d’un acte, d’un travail, au regard de décisions : à ce titre, l’évaluation doit être finalisée.
Les cinq fonctions reconnues de l’évaluation
Classiquement, on attribue cinq fonctions à l’évaluation :
une fonction diagnostique : analyse des situations, des besoins, des pro- fils et prérequis d’élèves ;
une fonction pronostique : élaboration d’un projet, test initial ;
une fonction formative-formatrice : accompagnement de l’apprentissage, remédiation ;
une fonction sommative-certificative : bilan, jugement, décision par tests terminaux, diplômes ;
une fonction d’orientation : liaison études-emploi, conseil de classe.
Avant de prendre de suite votre stylo rouge, repérez au préalable la fonction que vous assignez à l’évaluation que vous allez mettre en œuvre. La fonction sommative ne doit être réservée qu’à des évaluations terminales de modules, de séquences. Ce n’est pas parce que les carnets de notes édités par des fabricants de papier comportent douze colonnes que toutes doivent être remplies à l’issue du trimestre.
Éviter la confusion des genres
J’ai essayé d’utiliser une grille formative étudiée en stage, mais cela a été très long et pas satisfaisant.
L’analyse des pratiques de l’évaluation dans un établissement et leur confrontation amènent quelques discordances importantes. Les évaluations diagnostiques, à l’entrée en CE2 et en sixième, ont généré parfois des dérives dues à une fascination pour l’outillage informatique, quand les résultats mal interprétés (de fait, l’analyse est complexe) n’étaient pas assez corrélés avec des observations plus fines issues d’entretiens ou de connaissances relatives au rapport de l’élève à l’école, son environnement familial, son histoire scolaire.
En outre, l’exploitation des résultats a fait très souvent défaut. Si elles sont programmées pour revenir, ces évaluations seront à vocation locale, de diagnostic et de différenciation.
TROP DE SOMMATIF SATURE L’ÉVALUATION
J’ai pris l’habitude de tout noter ; pourtant je sens bien que j’ai du mal à bien cerner les difficultés de mes élèves.
Dans la pratique, l’évaluation sommative a contaminé tout rapport entre enseignant et élèves. Le principal d’un collège de moyenne importance avait calculé le nombre approximatif de notes chiffrées délivrées au cours d’une année scolaire : sur les seuls bulletins trimestriels, près de 18 000 notes, mais rapporté aux nombres de notes dans les disciplines, près de 90 000 notes. Pratiquement, l’équipe a passé plus de temps à « noter » qu’à faire apprendre et elle ne savait pas soutenir les élèves.
La « fabrication industrielle » de la notation pose cependant aujourd’hui problème1 :Qui pourrait dire à quelles compétences renvoie une note de 8,74/20 ? ). Qu’est-ce que cette « dictature invraisemblable de la moyenne », selon les termes du rapport de Roger-François Gauthier, IGAEN, qui réduit considérablement la précision de l’analyse des acquis et des manques ?
Pour stabiliser une note en français, il faudrait 147 évaluateurs, et 54 en mathématiques ! Comment expliquer que toute classe se répartisse sous le joug de l’évaluation répétée, en trois catégories distinctes et hiérarchisées ? Serait-ce une nouvelle « loi naturelle » dont l’École serait le berceau ? André Antibi dénonce cette « constance macabre »2, véritable pratique solitaire et récurrente de l’enseignant.
Voir les apports de Pierre Merle et de Jean-Marc Monteil, lors de la conférence natio- nale sur l’évaluation, en décembre 2014, en vidéo sur http://urlz.fr/5Z1P - Voir l’analyse et les propositions de résolutions d’André Antibi sur http://mclcm.free.fr/, en complément des pages de Jacques Nimier consacrées à l’évaluation http://pedagopsy.eu/dossier_evaluation.html
Il s’agit de faire en sorte que l’évaluation devienne objet de réflexion partagée, collective, plus harmonisée, plus stabilisée : qu’elle devienne une activité elle-même régulée ! L’approche par tableaux de compétences proposée par le socle commun en primaire et au collège constitue de ce point de vue un progrès notable et imparfait par défaut de pragmatisme.
Les expériences tentées en matière d’évaluation ou d’autoévaluation avec indications des critères saturent le travail de l’enseignant et des élèves par- fois inutilement. Certaines grilles rassemblent plus de vingt critères pour une seule situation. Rien ne garantit que les élèves peuvent s’approprier une telle check-list élaborée par leur professeur. Cette dérive maximaliste, dans un souci de perfectionnisme louable, s’applique à tous les élèves. De plus, ces tentatives de clarification de l’évaluation ne parviennent pas à compenser des pratiques sommatives toujours trop présentes. Les deux pratiques ont des objectifs différents et, confondus, génèrent des effets délétères pour les élèves.
Le débat ne porte pas sur la suppression de toute note et de toute « sommation » évaluatoire, mais sur le fait de réguler son usage pour permettre à tous les élèves de progresser. Les acquis de la recherche. Les positions restent sur ces questions trop tranchées. On parvient mieux à définir ce qui nuit à l’évaluation sommative : par exemple, une approche trop mécanique et le recours à des grilles standardisées, des tâches trop étroitement spécifiées et un contrôle trop strict, l’absence d’une procédure et d’étapes clairement définies, ou encore l’incompréhension des critères d’évaluation par les élèves.
Les pratiques ne satisfont pas grand monde, mais l’argument « ils réclament des notes » a du mal à tenir, quand on en mesure les effets ; les notes peuvent motiver… pour obtenir la moyenne. Les élèves développent des stratégies d’opportunisme au mieux 2, de détournement au pire (cf. les tricheries au bac et le commerce de devoirs dans certains établissements). Apprendre suggère confiance, réassurance et mobilisation de toutes ses ressources personnelles et collectives et ne peut se faire qu’en différant explicitement le regard de contrôle et la note. La saturation notatoire renvoie aussi à une ambiance de compétition qu’on a du mal à justifier dans l’école obligatoire et même dans les différents lycées.
extrait de http://annepaingault.over-blog.com/article-copies-a-corriger-la-j-ai-beaucoup-ri-48793344.html
AMÉLIORER L’ÉVALUATION SOMMATIVE : VARIER ET DIFFÉRER
La même étude identifie tout aussi clairement ce qui peut améliorer les pratiques sommatives : on cite par exemple la prise en compte des niveaux à atteindre par les élèves, une meilleure formation des enseignants en matière d’évaluation, et la coopération des enseignants dans l’établissement. Déprivatiser les pratiques et faire de l’évaluation un objet de travail collectif et partagé ont donc des effets… sur les résultats des élèves.
Pour mieux communiquer sur son évaluation, quelques conseils
Préférez des démarches et des supports élaborés avec les élèves : le temps de construction de quelques critères de réussite ou d’une cible d’évaluation, par exemple, est un temps d’appropriation qui garantit plus certainement leur propre capacité à l’utiliser en autonomie ; plus simple, plus pragmatique, peut-être moins « savante », ce sera plus efficace. L’outil pourra être réinvesti en phase finale comme grille de rapport du travail effectué.
- Une approche plus technique, par un support avec quelques indicateurs de réussite, est sans doute plus utile en groupe restreint pour des élèves en découverte ou en difficulté devant une tâche nouvelle. Tous les élèves n’en ont pas forcément besoin.
- Trouvez des alternatives à la note sur 20 réservée au « sommatif », au risque de la confusion des genres et du brouillage du message pour les élèves rendus alors dépendants. Voici, par exemple, neuf modalités pour évaluer des travaux d’élèves :
Appréciation du travail selon le niveau de maîtrise constatée par symboles (smileys), par couleurs, par codes.
Appréciation par cible critériée : chaque branche correspond à un élément de l’appréciation, avec trois niveaux de réussite1.
Bilan personnalisé : trois points forts, trois difficultés rencontrées, trois pistes pour aller plus loin, une appréciation d’ensemble du travail.
Appréciation concentrée sur un élément partiel, volontairement pris en considération (compétence, éléments de connaissances, savoir-faire).
Synthèse de notes partielles établies pour les différentes parties d’une même copie ou prestation ou dossier, selon des critères explicités (par exemple : compréhension du sujet, logique, pertinence du plan, clarté du style, argumentation, qualité des références, originalité, travail, exactitude des opérations ou calculs, raisonnement, valeur des graphiques ou schémas, intérêt des exemples présentés, écriture, orthographe, présentation, concision, précision, complétude, habilité, communicabilité).
Notation traduisant le pourcentage de réponses exactes à un QCM ou autre forme de questionnaires brefs.
Rectification d’une note d’autoévaluation (proposée par un individu), d’une note donnée en coévaluation (proposée par un groupe).
Notation valorisant la conscience du degré d’exactitude des réponses données par une personne.
Notation en fonction d’un barème élaboré en négociation avec les élèves ou apprenants à partir d’un tableau de critères.
1. Voir quelques exemples sur le site :francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm, tapez « Cible ». D’après Harlen, The evidence for Policy and Practice information, EPPI-Centre social Sciences Research Unit, Institute of Education, London, 2004. - Voir les effets décrits dans F. Butera, C. Buchs, C. Darnon, L’évaluation une menace ?, Puf, 2011.
- Reportez les moments d’évaluation sommative en toute fin des grandes séquences ou modules, c’est-à-dire quand des apprentissages sont assez constitués et travaillés en classe. Pourquoi pas une seule notation par tri- mestre du moment que vous assurez la régulation des compétences durant le reste du temps ? C’est bien ainsi que les enseignants d’EPS font à la fin de chaque cycle d’activité. Ainsi, la démarche d’évaluation devient très forma-tive et plus efficace quand on procède alors au bilan sommatif. En témoignent les résultats et la distribution des notes : on évite la courbe en forme de L, on oublie la courbe en cloche (Gauss), on évolue vers une courbe en forme de J (voir graphique).
CONNAÎTRE LES PIÈGES DE L’ÉVALUATION
J’ai du mal à stabiliser ma manière d’évaluer les copies des élèves.
Faisons-nous toujours ce que nous disons en matière d’évaluation ? La rationalité apparente et affirmée de l’évaluation dans ses formes et ses outils, recèle des pièges que les études en docimologie se sont attaché à dépister. Humain, trop humain !
Ainsi, face à un paquet de copies, vous pourrez être trompés par quelques effets. Il peut exister d’autres effets : de récentes études ont montré quelques pratiques inégalitaires en rapport avec le sexe de l’élève et la discipline. À copie égale, en lettres ou en maths, la notation finale ne sera pas exactement la même.
Voici cinq conseils pour s’efforcer de déjouer les pièges de l’évaluation.
- Ayez présent à l’esprit ces effets toujours possibles (voir l’encadré page suivante) ; on conduit mieux quand on connaît la route et ses obstacles, et son code !
- En même temps que vous concevez l’évaluation, constituez-vous le barème de notation, c’est-à-dire ce que vous allez explicitement évaluer : des connaissances, rien que des connaissances ? Mais aussi, la gestion du temps par l’élève, la lisibilité du travail, l’explicitation de la démarche, la correction orthographique. Tout n’est pas à placer sur le même plan. Et faites connaître votre choix aux élèves en le mentionnant sur le support ou par un système de codage ingénieux.
- En cours de correction, n’hésitez pas à revenir en arrière ; marquez une pause pour vous-même.
- Envisagez de corriger des copies de manière transversale, en analysant d’abord un item, un critère dans chaque copie, et ainsi de suite.
- Réduisez le nombre d’évaluations sommatives de sorte à y consacrer suffisamment d’attention et de valeur, pour vous comme pour l’élève.
Et réduisez votre énergie dans des interactions plus nombreuses et plus informelles avec vos élèves ; la régulation sera d’autant plus efficace.
Les effets de l’évaluation, identifiés par la docimologie
Effet de fatigue ou d’ennui | Effet de halo | Effet de relativisation |
Peut engendrer laxisme ou sur-sévérité | Le professeur, influencé par des caractéristiques de présentation (soin, écriture, orthographe) surestime ou sous-estime la note. | Plutôt que de juger intrinsèquement d’un travail, les professeurs jugent ce dernier selon les travaux dans lesquels il est inséré. |
Effet de contamination | Effet de tendance centrale | Effet de l’ordre de correction |
Les notes attribuées successivement aux différents aspects d’un même travail s’influencent mutuellement. | Par crainte de surévaluer ou de sous-évaluer un élève, le professeur groupe ses appréciations vers le centre de l’échelle. Un travail moyen paraîtra bon s’il suit un travail médiocre. | Devant un nouveau travail ou un nouveau candidat à évaluer, un juge peut se laisser influencer par la qualité du candidat précédent. |
Effet de stéréotypie |
Effet de flou | Effet de trop grande indulgence et de trop grande sévérité |
Le professeur maintient un jugement immuable sur la performance d’un élève, quelles que soient ses variations effectives. | Les objectifs poursuivis et les critères de notation ne sont pas toujours définis avec précision. | Certains juges sont systématiquement trop indulgents ou trop sévères dans toutes leurs évaluations. |
ÉVALUER « AUTREMENT » ?
On ne peut déconstruire un système coutumier mais déréglé, en laissant des enseignants, jeunes ou moins jeunes, sans aucune autre alternative. Les pratiques contemporaines émergent en France et retrouvent par empirisme ou par formation (jamais suffisantes dans ce domaine) les acquis de la recherche en la matière.
Plusieurs centaines d’équipes, en collège ou en lycée, se sont lancées dans l’aventure en s’appuyant sur leurs élèves qui, en primaire, ont commencé avec le « socle » et l’évaluation par compétences.
OBJECTIF LUNE, COLLÈGE GÉRARD-PHILIPE1, NIORT, ACADÉMIE DE POITIERS
« L’équipe s’est engagée sur le chemin expérimental vers une ÉVALUATION POSITIVE, non chiffrée, toujours formative, dédramatisée et surtout valorisante. Et pour cela, nous travaillons à l’aide d’un référentiel unique de connaissances, de capacités et de compétences.
Un livret unique : unique pour les élèves de la 6e à la 3e. Unique pour toutes les disciplines du collège. Unique pour accompagner chaque enfant dans sa complexité et sa spécificité. En lien étroit avec la recherche, en collaboration depuis quatre années avec le CeRCA
– Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage – Unité Mixte de Recherche de l’Université de Poitiers, de l’Université de Tours et du CNRS, nous construisons des apprentissages bienveillants et coopératifs, dans des situations diversifiées, différenciées, adaptées. On ne va peut-être pas décrocher la Lune, mais on peut ouvrir des horizons et rallumer les étoiles ! »
Plus qu’un outil ou un référentiel de compétences un peu particulier, c’est bien plus que cela !
Le LUnE permet d’identifier aisément les objectifs d’apprentissage, il facilite le travail coopératif des élèves, l’entraide, et développe leur autonomie ; il permet à chaque élève de progresser à son rythme, de donner le meilleur de lui-même sans perdre l’estime de soi dans une compétition avec ses pairs.
Le LUnE tisse la construction des compétences sur les quatre années du collège, il favorise des contextes de classe bienveillants, la multiplication et la diversification des situations d’apprentissage – tâches complexes interdisciplinaires, pédagogie de projet –, l’innovation pédagogique, la mutualisation des pratiques d’enseignement.
Le LUnE renforce la cohérence des apprentissages, il invite à la diversification de situations d’évaluations pour apprendre – autoévaluation de l’élève, évaluation de groupe, évaluation individuelle, évaluation à la volée – et il conduit à un accompagnement personnalisé, à une remédiation ciblée, disciplinaire ou transversale.
PISTES : un projet innovant interdisciplinaire de pédagogie et d’évaluation différenciées, Collège Louis-Philippe1, Eu, académie de Rouen
L’équipe propose des parcours différenciés appelés « PISTES » (VERTE, ROUGE, NOIRE), utilisés dans les méthodes d’acquisition des compétences ainsi que les évaluations. Cette approche innovante possède plusieurs atouts dont le respect du temps d’apprentissage propre à chaque élève et sa possibilité d’effectuer des tâches adaptées et différenciées, en tenant compte de ses forces et de ses besoins. Rendu acteur, l’élève est mis en confiance, motivé et responsabilisé par le choix autonome éclairé de sa « piste ». Enfin, ce travail interdisciplinaire entre enseignants facilite la gestion de l’hétérogénéité et l’entraide dans la classe, en luttant contre le décrochage solaire.
En se sentant mis en confiance et stimulés par la démarche innovante différenciée et interdisciplinaire, les élèves progressent grâce au respect de leur rythme d’apprentissage et d’acquisition des compétences. Les « pistes » constituent ainsi parmi d’autres un outil pédagogique et d’évaluations différenciées, qui réussit à rendre l’élève acteur dans son travail et le responsabilise dans son implication scolaire. Cette approche permet une gestion adaptée à la diversité des élèves, tout en favorisant une dynamique collective et solidaire de la classe tant au sein du groupe-classe que dans l’équipe enseignante.
On passe d’une organisation classique d’évaluation des apprentissages à une « évaluation pour les apprentissages1 », caractérisée par les quelques principes qui suivent.
Impliquer les élèves dans leur apprentissage : les leçons sont mieux adaptées quand les enseignants partagent des objectifs avec leurs élèves. On peut, par exemple, expliquer clairement les motifs de la leçon et de l’activité, partager les critères d’évaluation avec les élèves, les aider à comprendre ce qu’ils ont réussi et ce dont ils ont besoin pour progresser ou encore leur montrer com- ment utiliser les critères d’évaluation pour évaluer leur propre apprentissage.
Ajuster l’enseignement pour prendre en compte l’évaluation : au-delà d’une langue formelle et très scolaire empruntée pour décrire les critères, les enseignants gagneraient à montrer aux élèves des exemples de réalisations réussies pour qu’ils voient les objectifs « en vrai ». Face à ces exemples de travaux réussis, les élèves pourront ainsi développer des compétences réflexives et prendre part activement au processus d’évaluation. En complément, on peut les encourager à écouter l’ensemble des réponses aux questions posées ou à corriger les travaux anonymes d’élèves n’ayant pas réussi à satisfaire aux critères d’évaluation et en discuter ; ou encore utiliser des exemples de tra- vaux d’élèves qui mettent en évidence différentes façons de progresser.
Produire un retour d’information efficace (feedback) pour les élèves : les enseignants développent de bonnes relations avec les élèves dans un climat de confiance mutuelle quand le feedback se fait à plusieurs niveaux, et suivant des modalités variées, formelles ou informelles. Cela implique de laisser du temps pour les échanges entre élèves afin qu’ils réfléchissent mieux sur les objectifs d’apprentissage. Ce sont des mots, parfois des gestes, qui signifient par exemple que les élèves sont sur la bonne voie. Le feedback stimule la correction d’erreurs et permet de donner aux élèves toute l’aide dont ils ont besoin dans l’usage des savoirs. Ceux-ci ne doivent pas obtenir la solution définitive avant d’avoir réfléchi par eux-mêmes ; le but est de les aider à envisager d’autres solutions alternatives plutôt que de se limiter à la répétition des explications par l’enseignant.
Développer l’autoévaluation et l’évaluation par les pairs : pour que les élèves apprennent, ils doivent identifier leurs écarts de réussite. Ils doivent être capables de travailler ces écarts et d’identifier les stratégies leur permettant de les réduire. Il convient alors de permettre aux élèves de réfléchir à leur propre travail, d’avoir le temps suffisant pour travailler sur leurs difficultés, de savoir qu’il est possible d’envisager différentes solutions avant d’opter pour un mode d’action particulier.
Ce dispositif de travail de soutien aux apprentissages dépasse de loin la simple évaluation ; il s’agit explicitement d’un accompagnement intense et quotidien au travail de tous les élèves, en coopération. Les progrès et la réussite de chacun tiennent à cette dimension collective propre à l’école. C’est donc vrai à l’échelle d’une classe, c’est tout aussi probant pour les enseignants à l’échelle d’un établissement.
1. Voir Florence Castincaud et Jean-Michel Zakhartchouk, L’évaluation, plus juste et plus efficace : comment faire ?, « Repères pour agir », CANOPE CRDP d’Amiens – CRAP- Cahiers pédagogiques, 2014. Voir l’article synthétique de Thot cursus, juin 2017 et son infographie, http://urlz.fr/6Qib et la note de la VST, Rey Olivier, Feyfant Annie (2014). Évaluer pour (mieux) faire apprendre. Dossier de veille de l’IFE, n° 94, septembre http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA-Veille/94-septembre-2014.pdf en corrélation avec le volume Évaluer à l’heure des compétences, Cahiers pédagogiques, n° 491. Et les conclusions du rapport, www.oecd.org/dataoecd/7/35/40604126.pdf
Bonus Web ☛ Évaluer pour les apprentissages, ça marche ! Pour aller plus loin : Évaluer pour les apprentissages, une vidéo pour découvrir les quatre gestes.
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Je ne parviens toujours pas à situer mes élèves ; je dois les contrôler tout le temps.
87 % des jeunes avant 13 ans sont déjà équipés et connectés en 2020 (cf. chapitre sur le numérique) Si on regarde objectivement notre façon d’utiliser le smartphone pour des usages courants, alors l’usage équivalent qu’on peut en faire en classe devient banal : noter ses devoirs, des échéances, chercher des informations, lire ses courriels, chercher l’orthographe d’un mot, d’une expression, photographier le tableau, le résultat d’une expérience, un montage…
Le référentiel des compétences professionnelles (Bulletin officiel n° 30 du 25 juillet 2013) comporte une compétence spécifique au numérique : 9. Intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier dont : Aider les élèves à s’approprier les outils et les usages numériques de manière critique et créative.
À travers trois applications basées sur les smartphones, tout enseignant peut préparer des évaluations en classe par, pour et avec ses propres élèves. Au sein d’une classe, les appareils des élèves et de l’enseignant sont utilisés à des fins d’enseignement. Plusieurs scénarios possibles : l’enseignant évalue ses élèves en début de séance pour vérifier les prérequis et lancer une nouvelle séquence ; l’enseignant active la participation en classe par des questions à la volée ; vérification en fin de séance de l’acquisition des concepts ou synthèse des principaux concepts abordés.
Trois applications proposant des QCM en ligne sont expérimentées en ce moment par des collègues :
Plickers https://www.plickers.com Socrative http://b.socrative.com Quizinière (Canopé) https://www.quiziniere.com/login
Passer d’une évaluation par compétences à une notation sur 20
L’approche par compétence répond à quelques principes de base :
Les résultats ne se compensent pas entre eux ; il ne peut donc y être question de moyenne ou encore de moyenne de moyennes.
Dans mon établissement, on classe les élèves à la décimale près, on passe quasiment sous silence les appréciations.
Une compétence s’illustre par des actes, des gestes, une production par- fois, et elle est « reconnue » par d’autres que l’enseignant lui-même ; elle n’est pas générique.
- Une compétence est graduée en niveaux de maîtrise. Ainsi, le socle commun pourrait être le premier niveau de maîtrise de compétences, qui seraient développées plus tard, au lycée ou dans la vie sociale et professionnelle. L’expertise étant le dernier niveau (et donc, pas celui du lycée !).
Ces dispositifs parfois « innovants » se voient rattrapés par l’obligation d’une évaluation sommative exprimée en notes sur les bulletins. Par nécessité, dans une classe à examen en troisième ou au lycée, ou parce qu’on n’envisage pas encore d’aller jusqu’au bout de la démarche. Un problème classique qui a pu freiner les expériences alternatives était de faire coexister, ou mieux, de rendre compatibles une approche par compétences rendant compte du travail et des progrès effectifs de l’élève, et l’obligation trimestrielle de reporter un travail sur le bulletin scolaire. C’est un peu comme vouloir jouer dans le même temps et en un même lieu avec du Lego et du Kapla ; tous deux sont des systèmes éprouvés en matière de construction, mais incompatibles entre eux.
Certains professeurs ingénieux trouvent parfois une parade : la transcription en note sur 20 (celle qui figure sur le bulletin trimestriel) s’effectue grâce à un « convertisseur » paramétré par les enseignants et qui permet de transformer le nombre de compétences de chaque élève en note sur 20 ; le convertisseur utilisé étant le même pour tous les enseignants d’un même niveau. La généralisation de PRONOTE[1] autorise ces solutions intermédiaires ; elles témoignent d’une transition rugueuse entre deux systèmes : il ne pourra en être ainsi bien longtemps.
La communication de l’évaluation, l’avis des parents
Parmi les nombreuses expériences des années 2010, un problème sérieux s’est posé dans un collège où une association de parents d’élèves réclamait des notes. « Ils voulaient être certains de pouvoir apprécier le niveau de leur enfant. » Le classeur référentiel est plus difficile à décrypter que la traditionnelle moyenne d’un bulletin classique.
C’est donc de communication dont il s’agit, plus que forme et l’épisode de la crise sanitaire a été instructif : Mickaël Roy (Université de Strasbourg) à partir de ses observations dans un collège de la Meuse relève que la communication entre professeurs, élèves et parents porte globalement sur des aspects plus positifs de la scolarité des élèves. Les bons résultats des élèves et/ou sur leurs progrès scolaires sont davantage cités par les enseignants depuis la reprise des cours en présentiel et une partie des élèves souligne une communication plus informelle avec les professeurs depuis le confinement.
L’évaluation des travaux s’inscrit dans le registre de la communication sur la valeur ; ce qu’en attendent plus de la moitié des parents, c’est un mes- sage suffisamment clair pour pouvoir positionner leur enfant dans le par- cours de formation et en rapport avec ses pairs. Le dire par les notes peut sembler plus aisé, ce n’est pourtant pas forcément le plus exact en termes scolaires et le plus juste socialement parlant.
En peu d’années, l’évaluation a franchi insensiblement quelques frontières. D’une pratique intime partagée entre l’enseignant et ses élèves à des dispositifs collectifs, validés par l’établissement et suivis par les parents. La tendance est durable, pour quelques années sans doute.
Et les devoirs à la maison, on les note ?
Les travaux donnés aux élèves à compléter à la maison, ou encore à réaliser de bout en bout, quand les cours ne sont que… des cours et non plus du travail effectif de l’élève, connaissent des avis partagés de la part des élèves, des familles et de la recherche. Les devoirs à la maison connaissent une inflation préoccupante et à présent dénoncée. Une tendance renforcée lors des périodes dites de « continuité pédagogique ».
Selon une étude « PISA à la loupe » en 2014, les élèves de 15 ans français se situent à peu près dans la moyenne de l’OCDE en ce qui concerne la place des devoirs dans l’emploi du temps, avec 5 heures de temps consacrées aux devoirs chaque semaine Mais la diminution au fil des années a été nettement plus marquée pour les élèves français que pour l’ensemble des élèves de l’OCDE : une baisse de 1,7 heure par semaine de 2003 à 2012. Le temps moyen dépend de l’image que les enseignants se font de leurs élèves. Ainsi une étude du NCES (National Center for Education Statistics) américain a pu établir que plus le pourcentage de « noirs » ou « d’hispaniques » (catégories légales aux États- Unis) est important dans une classe, plus les enseignants donnent de devoirs à la maison. En France, plus une classe sera jugée faible, plus les enfants emporteront de travail.
Les étude en la matière en montrent non seulement la relative inutilité en matière d’acquisitions scolaires mais, qui plus est, l’accentuation des différences socio-économiques et des inégalités familiales. On note finalement non la connaissance et la compétence de l’élève, mais la capacité d’une famille, et souvent de la mère de famille, à accompagner voire à se substituer au travail de son enfant. Les connivences culturelles et sociologiques entre univers de référence des enseignants et des familles jouent pleinement dans ce domaine. Les attitudes sont ambivalentes ; un enseignant qui ne donne pas (assez) de devoirs suscitera des questions quant à son sérieux ; ce trait est devenu un indice quand la communication n’est pas de mise entre école et familles.
Par exemple, P. Rayou, dir., Faire ses devoirs, Presses Universitaires de Rennes, 2008.
Cette situation évolue sans doute sous les coups de l’Internet : le copier- coller des travaux, repéré à présent facilement par des logiciels dédiés ou plus simplement en « googlisant » le texte, les échanges de mails et les réseaux sociaux renouvellent le questionnement sur la pertinence non tant des devoirs mais de leurs formes et leurs consignes. Quel sens y a-t- il à noter ce qui est partagé et produit par autrui ? Quelle est finalement la compétence visée ? Quel serait alors le travail original qui attesterait de l’effectivité et de l’engagement d’un élève dans son apprentissage ?
Les réponses sont à construire, ensemble, dans la tendance des « classes inversées » où l’apprentissage effectif est réservé au temps de la classe et la découverte des connaissances ailleurs (voir le chapitre 11). La mise en place de « Devoirs faits » au collège depuis 2017 ne touche que 7 % des élèves ; la marge existe encore .
L’EXPRESSION INSTITUTIONNELLE DE L’ÉVALUATION, LE BULLETIN
Le bulletin trimestriel, son organisation symbolique (confirmée par sa traduction numérique), compilant notes, moyennes, moyenne de classe et appréciations, est un genre en lui-même. Il dispose de ses codes propres et de pratiques pourtant souvent irréfléchies.
Néanmoins, il demeure important aux yeux des élèves, comme le signalent Jean-Marie de Ketele et Geneviève Freres1 : « L’image que l’élève a de lui-même est fortement déterminée par l’image que lui renvoie son enseignant. L’élève a besoin de se doter d’une image positive pour évoluer mais celle-ci ne peut être invalidée par des appréciations qui seraient contradictoires avec les résultats obtenus, d’où l’importance, pour l’enseignant, de mettre en évidence les points positifs et les aspects sur lesquels on va travailler pour faire évoluer les choses. Ce qui est essentiel, c’est que l’élève puisse découvrir ses qualités et ses potentialités pour réussir ou renouer avec la réussite. »
1. Cahiers du GIRSEF, Univ. Louvain, n° 74, 2009, http://urlz.fr/6Qij
Rédiger l’appréciation : formalité administrative ou exigence professionnelle ?
Vu l’espace sur le bulletin, mes appréciations sont très laconiques.
Évaluer les travaux des élèves est loin de se limiter à la simple note ; l’appréciation portée sur les copies et les bulletins trimestriels est déterminante pour en extraire la valeur, c’est le propre d’une évaluation. La lecture attentive des bulletins trimestriels pour une classe ou pour un élève est férocement révélatrice ; et on peut comprendre le désarroi si ce n’est l’angoisse de l’élève, et de ses parents, devant un document si peu clair dans sa formulation, ses objectifs, ses raccourcis, ses silences.
Par exemple :
« Majid apprend bien ses leçons. Mais il est terriblement distrait. Il oublie son ouvrage de maths, ses chaussures de gym et parfois sa tête. »
« Bonne application. Kevin fait des efforts. Qu’il continue ! »
« Ne connaît pas ses temps primitifs. Quid du vocabulaire de la semaine dernière ? »
« Attention aux commentaires pour faire rire. »
« Merci pour ta belle énergie dans le travail d’improvisation et dans les coups durs. »
« Le calcul des intégrales reste un problème. Faudrait s’améliorer. »
On oscille entre le pur constat, l’invitation vague, la menace ou le panégyrique. Les informations portent souvent sur un diagnostic des difficultés, tous ordres confondus (psychologie, comportement, méthodes…). Le destinataire est tour à tour : l’administration, l’élève, les parents. On peine à extraire la valeur du travail effectué, les compétences atteintes par l’élève, et les moyens de l’améliorer. Le parasitage de l’information don- née est constant dans ce domaine. La plus grande prudence est de mise, cela devient même une exigence professionnelle, à travailler dès la formation initiale et régulée dans une équipe ; le faites-vous ?
Comment sont reçues les appréciations ?
Une enquête, menée auprès d’élèves et de parents et portant sur une liste de 1 000 appréciations extraites de bulletins d’élèves de fin du secondaire1, donne un éclairage particulier à la question : les élèves comme les parents attendent en priorité des informations précises, claires, personnelles, justes et vraies, rejetant les formules « banales et insipides » pouvant s’appliquer à toute la classe.
L’étude des mots contenus dans les appréciations distingue quelques thèmes dominants, à savoir, par ordre décroissant d’importance : le travail, envisagé tant sous l’aspect quantitatif que qualitatif ; l’élève (sa personne, ses capacités, son attitude…) ; la participation ; et les résultats, en fin de classement seulement.
Parmi les mots utilisés, les termes à connotation positive sont majoritaires, avec une préférence marquée pour les adjectifs « bon », « sérieux » et « satisfaisant ». « Insuffisant » et « difficultés » sont les termes les plus utilisés pour exprimer un jugement négatif, alors que « moyen » et « juste » sont considérés comme ayant un sens neutre ou ambigu et peuvent dès lors être interprétés diversement. Par exemple « spontané », « constant », « discret », « réservé » sont des mots ambigus relatifs au degré d’implication de l’élève, qui peuvent indiquer des défauts ou des qualités en fonction du contexte. L’emploi de ces derniers doit donc être accompagné de précisions quant au sens à leur accorder, par des compléments circonstanciels,de nature à enrichir considérablement le jugement évaluatif et à intégrer dans celui-ci à la fois le diagnostic et les possibilités de remédiation.
A été également relevé le caractère généralement bref des appréciations, réduites le plus souvent à une seule proposition syntaxique non verbale. Le style télégraphique utilisé par de nombreux enseignants, s’il permet à l’évidence de « gagner du temps et de la place », renforce toutefois le caractère doublement impersonnel des appréciations. D’une part, elles ne paraissent pas traduire un avis que l’enseignant prend réellement à son compte, d’autre part, elles ne s’adressent pas à l’élève ou aux parents de façon explicite.
1. Les Appréciations scolaires. Ce que cachent les mots, 1996, CRDP de Franche-Comté, Montbéliard, lycée Le Grand-Chênois. Voir surtout sur le site de l’inspection académique de la Sarthe le dossier consacré au conseil de classe : http://cio49.ac-nantes.fr/spip/IMG/pdf/Changer_le_conseil_de_classe_EduSarthe_aout_2004_.pdf
AUTOTEST : ET SI VOUS ÉCRIVIEZ À VOS ÉLÈVES
En fin de premier trimestre, écrivez une lettre à chaque élève en prenant en compte les conseils d’écriture relatifs à l’appréciation portée sur le bulletin, rappelées dans le présent chapitre (cf. encadré ci-dessus).
Certains utilisent une fiche navette plastifiée où chacun peut écrire au feutre veleda : la fiche comporte la photo de l’élève et sa classe, le commentaire du prof sur le travail considéré et la réponse de l’élève à cette invitation.
Exercice d’entraînement à la reconnaissance du travail des élèves
Cochez 10 items déjà mis en pratique (1re colonne) puis 5 items que vous pourriez facilement mettre en œuvre dans les prochaines semaines avec vos élèves (2e colonne).
Savez-vous reconnaître la valeur du travail de vos élèves de 20 manières différentes ? | Ce que vous pratiquez déjà | Ce que vous pourrez faire dans les prochaines semaines |
Reconnaître la valeur intrinsèque du travail
Identifier trois points forts
Inscrire le travail dans une dynamique
Identifier à travers le travail une qualité ou encore une compétence rapportée à l’élève
Signifier son contentement par un geste ou un signe non verbal (regard bienveillant, tape dans le dos, main sur l’épaule ou sur le bras).
Accompagner sa satisfaction par des mots choisis
– sur le travail lui-même
– sur la personne de l’élève
– sur la dynamique personnelle
– sur la projection possible et le réinvestissement
Ne rien signifier en présence du groupe
Marquer sa satisfaction en contexte privatif, après le cours ou en entretien
Ecrire son appréciation sur le travail lui-même (copie)
Par une cotation ou une notation
Par une appréciation manuscrite plus longue
Ecrire un petit mot plus individualisé autrement sur le travail, sur le carnet de correspondance, ou encore dans un échange de mel ou sur la boite privée ;
Signifier à un tiers en présence de l’intéressé, par exemple à un autre professeur, au principal, à un parent
Donner en échange une marque ou un témoignage de réussite (un « bon » point, une image, des bonus à capitaliser en vue d’une utilisation ultérieure).
Prendre le temps d’en parler avec l’élève dans un exercice réflexif (entretien, tutorat)
Ne rien faire, ne rien dire
Ne rien signifier soi-même mais le faire reconnaître par d’autres tiers (chef d’établissement, tuteur, etc…)
Inviter l’élève à capitaliser toutes ses « petites réussites » dans un carnet ou portfolio
[1] Voir la video explicative sur https://tube-strasbourg.beta.education.fr/videos/watch/0ccc4c40-09f6-4684-9e1a-c566b1c6d686
La musique du jour
un post extrait d'une série dédiée à l'évaluation
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