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Discours de la méthode pour apprendre



L’élève, chez lui comme à l’école, est submergé par un flux incessant d’informations de nature et d’importance très variées, dans lequel les savoirs sont mêlés à d’autres informations contextuelles, voire parasites. Il doit faire le tri lui-même, à moins qu’on le guide. Comment développer cette compétence attendue dans les niveaux supérieurs, celle de se débrouiller seul et de s’organiser dans son propre travail avec des méthodologies variées face à la diversité des tâches de notre monde contemporain ? Et pour être efficace, sur quelle durée suffisante ? Comment l’aider pour qu’il se fabrique sa propre « boîte à méthodes » ?

 

DRESSER LE BILAN DES MÉTHODES DES ÉLÈVES

 Mais qu’ont-ils appris l’an dernier pour ne rien savoir cette année ?

La sentence est rédhibitoire, la cascade de récriminations attendue ; impression de tabula rasa ; il faudrait tout reprendre et cette mission est déjà impossible. S’intéresser aux méthodes de travail incite cependant à fortement nuancer ce jugement pour analyser des pratiques (chapitre 20), prendre appui sur des acquis (chapitre 19) et mieux déterminer les besoins (chapitre 17).

La réalité est plus complexe, apprendre n’est jamais un long fleuve tranquille : on peut même remarquer en situation nouvelle (nouveau prof, nouvelle discipline, nouvel établissement, nouveaux savoirs) des phénomènes de désapprentissage chez certains élèves, c’est très net à l’arrivée au collège notamment, à l’entrée au lycée, et qui plus est, dans la première année en université.


Apprendre à travailler n’est ni inné ni acquis, c’est un exercice de tous les instants à l’école, au collège, au lycée, à l’université, mais aussi à la maison, en famille. Quand un musicien change d’instrument, de salle, de répertoire, il a besoin d’un temps de redécouverte et d’entraînement pour retrouver son habileté et exprimer son « talent ».


Avec un peu de recul sur ses propres élèves et avec un peu d’intelligence entre équipes (c’est-à-dire de lien construit et de temps investi sur ces questions), le collège Albert-Camus, à Bruay-la-Buissière, a construit une sorte d’« enjambement troisième-seconde ». Beaucoup d’élèves peinent à se projeter en seconde générale parce qu’ils la considèrent comme exagérément difficile ; d’autres y voient l’occasion de rester au contact de leurs camarades ; d’autres encore reproduisent sans réflexion le parcours d’un aîné ou adoptent un comportement d’évitement de la seconde professionnelle, défavorablement connotée.

 

Il ressort souvent une représentation floue ou confuse de la seconde générale : un bon travail de liaison doit donc être conduit en amont pour aider les élèves à cerner plus exactement ce qu’on attendra d’eux et les méthodes de travail adéquates. Plutôt qu’une présentation de la seconde générale, on peut envisager une véritable initiation en troisième par des professeurs du lycée sur les créneaux d’accompagnement éducatif.

 

Par réciproque, et pour favoriser le succès en aval du collège, l’individualisation des mesures d’aide en seconde peut être confiée à des professeurs de collège, qui connaissent bien les élèves qu’ils viennent d’orienter. Il s’agirait également d’une mesure de mise en confiance à l’intention des enfants les plus timorés. Un changement d’environnement aussi pour les enseignants qui apprennent tout autant.

 

 Le dispositif consiste donc en une préparation à la seconde générale par des professeurs du lycée pendant l’année de troisième, puis un accompagnement à l’entrée en seconde par des professeurs de collège. Il n’est plus possible de reporter les questions de manque de méthodes sur le voisin.

 

Enquêter sur les méthodes de travail

 En tant que professeur principal, vous pouvez utiliser en début d’année une enquête adaptée selon le niveau correspondant. Elle est nominative et déclarative ; son analyse collective est anonyme. Les informations recueillies sont précieuses pour envisager un dispositif méthodologique de soutien au travail personnel. Certains items se dégagent plus que d’autres, ce sera donc la priorité des premières semaines. Le bilan est communiqué aux autres enseignants de la classe, ainsi qu’à ceux qui encadrent études dirigées ou aide individualisée (selon les appellations et les contextes). Chaque item représente un point que l’on prend le temps d’aborder dans ces créneaux réservés à l’aide au travail personnel. (Voir le chapitre 16 « Guider le travail personnel ».)

 

La fiche personnelle des réponses est un bon support pour mener un entretien avec un élève, dans le cadre d’un tutorat, pour mesurer avec lui les petits progrès, mois après mois (chapitre 16). On peut fixer ainsi avec lui quelques micro-objectifs, atteignables, portant sur deux ou trois points du questionnaire. La motivation se construit pas à pas avec une analyse partagée des potentialités, des progrès et un calendrier. Ainsi, les élèves de la classe bénéficient d’un dispositif coordonné, entre traitement disciplinaire en cours, analyse de la tâche en ATP ou dans les moments « devoirs faits » et bilan personnalisé en tutorat, sur des bases plus objectives qu’un simple constat « impressionniste ». Après, c’est une histoire de pratiques… d’enseignants. (Voir le chapitre 6 « Travailler en équipe ».)

Enquête sur les méthodes de travail

Planning et timing (organisation du travail)

T*

S*

R*

J*

Le soir, avant de me mettre au travail, je décide des devoirs à faire et des leçons à apprendre.

 

 

 

 

J’éprouve des difficultés à établir avec précision le temps que je dois consacrer à l’étude de chaque matière.

 

 

 

 

Je garde pour le dernier moment le travail que je juge difficile ou ennuyeux.

 

 

 

 

Dans le courant de l’année, je travaille régulièrement afin de ne pas plus tard être obligé de rattraper le temps perdu.

 

 

 

 

À l’approche des contrôles, je fais l’inventaire de la matière à étudier et j’établis un plan de travail.

 

 

 

 

Il m’arrive plusieurs fois par semaine de ne pas m’occuper de mon travail scolaire.

 

 

 

 

Je consacre une trop grande partie de mon temps aux loisirs (télé, disques, sports, revues et livres non scolaires).

 

 

 

 

Techniques d’étude et méthodes de travail

T

S

R

J

Pendant les cours, je ne parviens pas à la fois à écouter le professeur et à prendre des notes claires et précises.

 

 

 

 

Le soir, je consacre la plus grande partie de mon temps à compléter les notes prises pendant les cours.

 

 

 

 

Lorsque je dois préparer un exposé ou un devoir rédigé, je commence à me documenter dès que le sujet est connu.

 

 

 

 

Lorsque je lis un texte, j’ai de la peine à en dégager les idées essentielles.

 

 

 

 

J’éprouve des difficultés à m’exprimer couramment oralement.

 

 

 

 

Lorsque je fais un devoir rédigé, j’éprouve des difficultés à ordonner mes idées et à les exprimer avec clartéet précision.

 

 

 

 

En préparant un contrôle, je consacre une partie de mon temps à approfondir la matière en faisant des exercices.

 

 

 

 

Lorsque je ne comprends pas la matière du premier coup, je l’étudie de mémoire.

 

 

 

 

Lorsque je révise un cours, je note les points essentiels afin d’obtenir une vue d’ensemble de la matière étudiée.

 

 

 

 

Lorsque j’étudie un cours, je le revois mentalement en me posant des questions et je m’efforce de le récapituler comme si j’étais obligé de fournir des explications à autrui.

 

 

 

 

Lorsque j’apprends un cours, je m’efforce d’établir les rapports entre ce cours et les cours précédents.

 

 

 

 

Je revois soigneusement la théorie avant de passer aux applications.

 

 

 

 

Lorsque j’ai un problème difficile à résoudre, je commence à noter les données avant de passer à la solution.

 

 

 

 

Il m’est pénible de faire un plan clair et auquel je me tiens avant de rédiger un devoir.

 

 

 

 

Concentration

T

S

R

J

Je suis nerveux lors d’un contrôle.

 

 

 

 

Le soir, je tarde longtemps à me mettre au travail.

 

 

 

 

Lorsque je suis en train d’étudier, je me laisse facilement distraire.

 

 

 

 

Lorsque j’ai un travail peu attrayant à faire, je persévère jusqu’à ce qu’il soit complètement terminé.

 

 

 

 

Le moment venu d’étudier, je me sens fatigué et découragé.

 

 

 

 

Lorsque je suis surchargé de travail, j’ai tendance à tout commencer en même temps de sorte qu’il m’est impossible d’apprendre un seul cours convenablement.

 

 

 

 

Quand je me vois forcé d’interrompre mon travail, il m’en coûte de m’y remettre.

 

 

 

 

Motivation

T

S

R

J

Les soirs où je n’ai pas beaucoup de travail, je prépare un travail imposé pour les jours suivants.

 

 

 

 

J’ai l’impression que nous devons assimiler trop de détails pour la plupart des matières figurant au programme.

 

 

 

 

Il y a certaines matières pour lesquelles je ne fais que l’effort strictement nécessaire.

 

 

 

 

En classe, j’ai tendance à me décourager rapidement.

 

 

 

 

Lorsque je n’ai pas envie d’étudier, je saisis la moindre occasion pour m’occuper d’autre chose.

 

 

 

 

Je voudrais poursuivre mes études après le collège.

 

 

 

 

J’essaie d’obtenir les meilleurs résultats possibles.

 

 

 

 

Je fais un effort particulier lorsqu’il s’agit d’une matière pour laquelle je n’éprouve aucun intérêt.

 

 

 

 

* Légende : T : toujours ; S : souvent ; R : rarement ; J : jamais.





 

 INTÉGRER LES CONSEILS DE MÉTHODE DANS LE COURS

Le conseil méthodologique n’est pas « hors sol » ; il sera d’autant plus pertinent et ne peut être valable que s’il s’intègre au déroulement comme aux contenus de votre cours. Pas de méthodologie pour la méthodologie. Mais pas d’autonomie sans pédagogie à l’autonomie. Les élèves lui attribueront la valeur, la place et l’espace que vous voudrez bien lui donner. (Voir également le chapitre 26 « Donner un conseil de documentation ».)

 

Lier la méthodologie au contenu

 

Dans les cours que je dispense en collège, j’ai pris l’habitude de faire organiser les cahiers des élèves selon la modalité suivante : toute la partie droite était réservée au cours, la trace écrite, les contenus. Toute la partie gauche était consacrée à la méthodologie : ainsi, l’étude d’un document, son analyse, son décryptage et les éléments extraits y trouvaient leur place ; c’était le cas aussi pour quelques automatismes qu’on retrouvait alors facilement : une carte en cinq points, un schéma explicatif, une définition, par exemple.

 

Cette partie était un espace beaucoup plus personnel que la partie droite ; l’élève pouvait aisément la compléter, la colorier en code couleurs. L’expérience a montré sur plusieurs années que les deux parties se répondaient à égale densité, voire certaines fois, souvent dans les premiers mois, la partie méthode se dilatait. Le cours permettait de passer d’un registre à l’autre sans problème, avec beaucoup de liberté. Quand on constatait ensemble qu’un problème se présentait, on passait à gauche, puis on reprenait le déroulement, à droite. Cela permet de renforcer la mémoire contextuelle. L’occasion d’apprendre ravive l’apprentissage lui-même.

 

C’est un peu comme apprendre à faire la cuisine : on peut rester derrière le chef à le regarder faire et piquer quelques recettes ; c’est encore mieux de tout mettre sur le plan de travail et d’élaborer ensemble le plat que l’on mangera ensemble, en répartissant les tâches. Le lien entre contenus et méthodes est consubstantiel. L’un ne peut aller sans l’autre.

 

Le conseil donné à un élève profite à tous

 

La classe ne correspond en rien à une situation de préceptorat ; le conseil méthodologique est un conseil donné à un élève en situation de travail, et vous escomptez alors que les effets puissent profiter au groupe. Voici quelques techniques ou méthodes à expérimenter aisément.

 

Rendez visible le travail effectif de l’élève ou d’un groupe d’élèves sur le tableau blanc (interactif ou pas),  grâce à une copie numérique, ou gvec photocopie à chacun. Il est encore rare que l’élève puisse travailler sur autre chose que sur son manuel ou sur le polycopié du prof. En s’appuyant sur un « vrai » travail d’élève, on apprend par ses pairs des petites erreurs, des hésitations et des tâtonnements. Et soutenu par votre groupe, vous apprendrez encore plus vite.

 

Analysez la méthode employée, confrontez-la à d’autres méthodes proches ou différentes, présentes dans la classe. On voit alors se dessiner deux, voire trois stratégies possibles pour un résultat satisfaisant.

 

Consignez les éléments de la méthode retenue dans la partie réservée dans le cahier, de façon à pouvoir y revenir autant de fois qu’il le faudra. C’est un des automatismes à mettre en place. Tout travail donne lieu à une trace qui vient enrichir un « capital » précieux pour la suite. Le chemin est tout aussi important que le résultat, et ici, dans ces années de scolarité obligatoire, c’est le chemin qui est source d’apprentissage.

 

AMÉLIORER LA COMPRÉHENSION DES CONSIGNES

Manifestement, la confrontation à un énoncé produit un effet chez les élèves qui aboutit à des contre-performances. Et on pourra vite sombrer dans la lamentation en notant qu’ils ne savent pas lire les consignes, tous niveaux confondus. Ce serait peut- être la première compétence du métier d’élève : comprendre la consigne. Certes, notre travail pédagogique est d’abord un travail d’explicitation. Et il faut constater que l’attention à la lecture n’est jamais maximale, étant souvent divertie par d’autres éléments (phase d’évaluation sommative, début difficile de mise au travail, problèmes de maté- riels…). (Voir le chapitre 27 « Définir des objectifs ».)

Ils zappent la lecture de la consigne, pour me demander « Monsieur, qu’est-ce qu’il faut faire ? »

Comment aider les élèves

 Faites lire la consigne1 par un élève ; une fois, deux fois. Ménagez un temps nécessaire pour intérioriser et mobiliser les ressources. Puis donnez le signal du départ. Dans le cas d’un devoir, faites lire toutes les questions, réservez un temps, puis « départ ». Cela peut éviter les erreurs provoquées par un démarrage trop impulsif.

 

Faites lire la consigne, et décomposez-la : demandez à repérer le verbe, les éléments importants, les aides possibles, le support utilisé, le temps imparti. Même dans les « grandes classes » de lycée, ce travail peut s’avérer plus que nécessaire afin d’éviter des hors-sujet. Par exemple, en histoire, tout sujet est composé d’un sujet propre, d’une localisation et d’une période. (Le Front populaire en France de 1936 à 1939).

 

Sur la lecture de consignes, voir Comprendre les énoncés et les consignes, Jean-Michel Zakhartchouk, CRDP Amiens et Cahiers pédagogiques, 1999.

 

Entraînez-les. Une ou deux fois dans l’année, procédez à un test amusant destiné à alerter les élèves et à les aider à acquérir un réflexe jamais inné : celui de prendre le temps de tout lire, en situation de stress. J’utilise par exemple le document ci-dessus ; l’humour est un bon dérivatif pour des situations importantes. Vous le présentez avec sérieux aux élèves comme un exercice noté en temps limité. Au top, tout le monde s’y met. Vous serez surpris de voir certains s’écrier tout haut : « Ça va ! » Rapide retour sur l’action : que retenons-nous de cet exercice ?

 

ENSEIGNER LA PRISE DE NOTES AUX ÉLÈVES

La prise de notes reste l’apprentissage clé et pourtant son apprentissage n’est pas assuré en cours. On peut sans doute passer une heure à en parler et après, exécution ! Il n’y a rien de plus complexe pour l’élève. Prendre des notes, c’est mener une activité multitâche à la manière de l’ordinateur : écouter, mémoriser, résumer mentalement, sélectionner des mots-clefs, organiser l’espace de sa page blanche, réinventer un système d’encodage efficace, mettre par écrit. Cela requiert un haut niveau d’abstraction et une technicité élevée pour être efficace. L’apprentissage de la prise de notes ne peut se contenter d’une seule heure. C’est l’affaire de plusieurs années pour ne pas tomber dans les travers les plus fréquents : laisser passer une articulation logique dans le discours de l’enseignant, tout noter, écrire de manière illisible, prendre l’anecdote et pas l’essentiel…

 

Commencer l’apprentissage dès la sixième

 Il ne faut pas hésiter à aborder cet apprentissage assez tôt, dès la sixième, comme un jeu d’écriture. Au cours de votre exposé oral, vous transcrivez sur tableau sa traduction en prise de notes avec les symboles adéquats : différent de ; par opposition à ; conséquence ; en même temps ; hiérarchiser plusieurs points ; etc., mais aussi quelques abréviations simples. Ce sont des rudiments d’un nouveau langage et d’une nouvelle manière d’écrire, c’est-à-dire tout un monde.

 

À partir de la quatrième, proposez de travailler la trace écrite comme une prise de notes : faites passer un élève au tableau, ou sur transparent (il pourra ensuite l’intégrer dans son cahier) et suivez pas à pas sa prise de notes, en proposant avec les autres élèves périodiquement des améliorations de type :

  • Transformez le discours en phrases courtes avec verbe à l’infinitif.

  • Abrégez tout ce qui peut l’être ; toute nouvelle abréviation sera notée dans la partie méthodologique pour s’en souvenir (appel à la créativité et initiation à quelques règles d’usage).

  • Introduisez différents symboles (flèches, barre, étoile, éclairs, signes mathématiques…).

  • Organisez l’espace de la page, du tableau et hiérarchisez les points.

  • Ménagez un temps en fin de cours pour « lisser » les notes : reprise des liens logiques, souligner les articulations du plan, etc.

  • Vérifiez régulièrement la capacité des élèves à retraduire les notes : prendre une page de notes d’élève (sur transparent) et demander à tous de rédiger en français « scolaire » le passage. L’exercice de rédaction en temps réel est ici une simulation fidèle des conditions dans lesquelles les élèves seront amenés à composer en contrôle.

 

La prise de notes est une technique qui permet d’accéder à une autonomie de l’élève et à l’efficacité du travail scolaire, il convient donc d’y consacrer un temps certain et de ne pas s’étonner qu’elle prenne du temps ; c’est une des finalités de l’éducation énoncées dans le socle.


DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES À L’ORAL

Notre culture scolaire, en particulier dans le secondaire, est fondée sur la survalorisation de l’écrit. La pratique orale est renvoyée dans le quotidien de la classe, presque comme une pratique annexe, même pas ou peu évaluée dans les moyennes trimestrielles. Elle est pourtant essentielle dans tout apprentissage, en participant à la construction identitaire et à l’image de soi. Vouloir améliorer les performances des élèves (à l’écrit) passe donc obligatoirement par un travail d’oralisation et de mise en conditions.

 

Comment utiliser l’oral en cours

 Lors d’une formation d’enseignants, un rapide tour de table a permis de faire le point sur le recours à l’oral1 en cours. Ont été dégagés quatre objectifs pour lesquels les enseignants utilisaient l’oral :

  • vérifier un apprentissage : l’enseignant interroge l’élève sur sa leçon ;

  • apprendre : cours « dialogué », confrontation dans des groupes ;

  • apprendre à exprimer, exposer des idées en public : des élèves présentent de brefs exposés après recherche documentaire ; des élèves s’entraînent à argumenter deux par deux sur des sujets donnés ; des élèves s’entraînent à lire à voix haute, à réciter des textes ;

  • éduquer à la citoyenneté, au respect de l’autre.

 

Mais toutes ces occasions sont-elles des moments où l’oral est utilisé ou bien enseigné ?

 

Comment évaluer l’oral : le principe de l’évaluation par ceintures

 L’évaluation scolaire traditionnelle rend difficilement compte de la compétence orale. Pour évaluer les progrès de ses élèves, Dominique Natanson2 se sert de « l’évaluation par ceintures » qui vient de Fernand Oury et de la « Pédagogie institutionnelle », dans le prolongement de la pédagogie de Célestin Freinet. Oury, qui faisait du judo, a eu l’idée de définir les compétences des élèves en leur faisant passer des ceintures : de la ceinture blanche pour les plus faibles à la ceinture noire, comme objectif final de la formation. Ses élèves étaient « jaunes » en lecture, « bleus » en calcul, « orange » en écriture… « Je suis parti du constat, explique-t-il, qu’il y a de grandes inégalités de départ pour une réalisation orale. J’évaluais précédemment sur la base de l’atteinte ou non des objectifs fixés. Mais, deux jours de suite, cette évaluation – objectif pas du tout atteint/pas encore atteint/atteint/parfaitement atteint – m’a posé problème.

 

D’après J. M. Zakhartchouk, Croisements de disciplines au collège, CRDP Amiens, 2000.

Voir Dominique Natanson et Marc Berthou, Des ceintures pour évaluer les compétences à l’école, Fabert, 2014, et l’article d’Emmanuel Picart, professeur au collège Massey de Tarbes, qui détaille l’adhésion des parents à ce dispositif, Cahiers pédagogiques, l’évaluation par ceintures, inquiétant ou rassurant ?, janvier 2013, sur le site, et une fiche-outil proposée par Marianne Hamon, collège La Reinetière, Sainte-Luce-sur-Loire, sur le site de l’académie de Nantes, espace lettres.


« La première fois, ce fut quand une excellente élève, après avoir parlé brillamment durant quatre minutes, termina en disant : “Ben, voilà, j’ai fini !” Je ne pouvais que lui dire : “Objectif parfaitement atteint”, et je regrettais de ne pas pouvoir lui faire comprendre, dans l’évaluation même, qu’elle avait encore un pas à franchir, celui de la conclusion. La deuxième fois, ce fut lorsqu’une élève très timide arriva devant la classe en tremblant et parla d’une voix forte, durant une minute. Les élèves applaudirent sa prestation, mais moi, je n’avais à lui offrir qu’un “objectif pas encore atteint” : elle n’avait pas tenu trois minutes ! »

 

L’exemple de deux ceintures en classe de sixième :

Prénom :            Nom :   Classe : sixième

Ceintures

Tout ce qu’il faut être capable de faire pour obtenir la ceinture

Ceinture jaune

Venir devant la classe et parler pendant moins d’une minute du sujet prévu.

Temps : moins de 50 secondes.

Expression : les élèves entendent une partie. L’élève ne lit pas toujours son papier. Pas plus d’une expression familière.

Contenu : 2 ou 3 informations. Pas d’erreur de sujet.

Ceinture marron

Venir devant la classe, très peu regarder son papier et parler pendant plus de 2 minutes du sujet prévu. Il y a une phrase d’introduction.

Temps : 2 à 3 minutes.

Expression : les élèves entendent et comprennent tout. À aucun moment l’élève ne lit son papier, même s’il le regarde de temps en temps. Pas d’expression familière, et même une certaine élégance d’expression. Le ton est

vivant, c’est passionnant. On sent que l’élève a envie d’être écouté par les élèves de la classe.

Contenu : toutes les informations sont utiles, et nombreuses. Il y a au moins une information qui vient de recherches personnelles en dehors du livre (d’histoire- géographie). Tous les mots difficiles sont expliqués. Pas

d’erreurs graves.

Pour obtenir une ceinture, il faut réussir à valider les trois éléments constitutifs simultanément. Prenons l’exemple de la validation de la compétence « Intervenir à l’oral, sur un sujet préparé à l’avance, devant un public, sans lire un papier ». Le socle s’insère dans cette démarche.

 

« Le stress a un peu diminué, constate Dominique Natanson. Les performances sont jugées en fonction du point de départ de chacun. Les élèves qui atteignent des ceintures élevées (pas beaucoup au-delà de la ceinture bleue, cette année, dans une classe assez difficile) ont un fort sentiment de réussite. Ceux qui progressent d’une fois sur l’autre en changeant de ceinture ont aussi l’idée d’un progrès possible. L’essentiel de la démarche me semble cependant être dans l’appropriation des critères de réussite et le débat autour des critères de réalisation : quel conseil donneriez-vous à cet élève pour qu’il puisse atteindre la ceinture suivante, la prochaine fois ? »

 

 

LA MÉTHODOLOGIE ACCROÎT LES PERFORMANCES  DES ÉLÈVES

 Les contrôles sanctionnent un apprentissage et ne donnent aucune indication sur la manière de les réussir (chapitre 14). Les élèves ne peuvent progresser dans l’acquisition des savoirs et dans les modes opératoires dans la discipline que si vous leur avez donné le temps et les moyens suffisants et nécessaires pour apprendre. Sinon, vous risquez d’évaluer ce que vous n’avez pas enseigné. Réaliser une performance en contrôle est une affaire qui se prépare en amont, grâce au travail effectif de l’élève mais aussi en l’étayant par les repères que vous saurez donner aux élèves pour qu’ils prennent la mesure de leur propre réussite.

 

Il existe différents types d’évaluation, chacune servant des objectifs différents et distincts1 (voir tableau page suivante).

 

Les recherches les plus récentes indiquent que l’évaluation formative est un facteur clé pour améliorer la réussite des élèves. Les enseignants adhérent peu ou prou à cette proposition, sans souvent se représenter concrètement les gestes et actes que peuvent revêtir l’« évaluation POUR les apprentissages ».

 

APPRENDRE, CELA SE TRANSFÈRE ?

Toute faille est susceptible d’être exploitée : « Oh, avec Mme Michu, l’an dernier, c’était pas pareil ! » En termes d’image donnée aux élèves, il y a plus d’intérêt « méthodologique » à insister sur certaines continuités et une cohérence a priori que sur des différences irréductibles et un affichage de la discordance dans une classe, dans un niveau. Elles peuvent exister, et c’est alors un problème de professeurs et d’inscription institutionnelle (programmes nationaux, textes officiels, politique d’établissement). Ce que vous partagez cependant, c’est bien le développement des compétences scolaires chez l’élève X.

 

Pour mesurer ce point précis, à savoir les capacités de transfert d’une situation à une autre, une expérience a été menée avec deux classes de seconde de lycée général pendant une année scolaire1. De composition égale par ailleurs, la classe A a reçu toute l’année une pédagogie dite classique, avec des évaluations classiques. On n’a rien changé à l’ordinaire. La classe B a été prise en charge par une équipe qui a choisi de développer une approche formative : fiches d’autoévaluation, critères de réussite, bilans de savoirs, confrontation des représentations.


À l’issue de l’année, une évaluation, la même pour tous, a été distribuée aux élèves des deux classes alors mixées. À un groupe 1, le support d’évaluation se suffisait à lui-même, sans plus. Au groupe 2, un document avec critères de réussite et procédures d’autoévaluation accompagnait le support d’évaluation.

 

1. D’après un article de Michèle Genthon, Cahiers pédagogiques, n° 304, p. 82.

 

 

AUTOTEST : MESUREZ LES PERFORMANCES DES GROUPES

 

Quels sont selon vous les résultats obtenus par les quatre groupes constitués pour l’expérience réalisée ?

 

Classez les sous-groupes par résultats moyens croissants

.......................<.......................<.......................<.......................




 

 

Solution de l’expérience

 

A1 < A2 < B1 < B2

 

Pas de surprise sur la place de A1 ni sur celle de B2. Les résultats sont conformes aux hypothèses de travail. Les élèves du groupe A1 se com- portent comme tous les élèves en situation classique. Les élèves de B2 sont eux aussi en situation habituelle, sauf qu’ils ont une connaissance beaucoup plus fine des clefs de la réussite et qu’ils disposent de repères connus pour réussir l’exercice proposé.

 

En revanche, la formule A2 < B1 montre bien :

  • qu’un groupe d’élèves formés à l’évaluation formative (B1) est capable de plus grandes performances en situation « classique ». Le transfert de la compétence réflexive est réel ;

  • qu’un outillage de type formatif est de toute façon utile pour tout élève pour le faire progresser dans son évaluation (groupe A2).

 

 La musique du jour


 

 

 

 

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