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Célébrer l'école, c'est déjà bien



D’après les contributions nombreuses des journées nationales de l’innovation,(ou JNI)) organisées depuis 2012 par la Dgesco, en s'appuyant sur les travaux des équipes dans toutes les académies, depuis longtemps, il est possible de comprendre ce que le monde de l’éducation, enseignants et institution, entend par innovation.


"C'est pas nouveau" (?)

Souvent entendu par des personnes autorisées, on confond nouveau et innovant, et d'autres confisquent le mot à défaut de la chose. Au niveau institutionnel, un rappel dans l'histoire de notre éducation; en écoutant André de Peretti:

 « En 1994, création d’une sous-direction ministérielle chargée de la valorisation des innovations pédagogiques. A cet effet était placé auprès de chaque recteur un délégué académique à l’innovation. Et des comptes rendus importants, diffusant les procédures et les résultats d’innovations réalisées dans les établissements étaient en conséquence publiés dans chaque académie. L’encouragement, l’animation des initiatives, souvent associées à des recherches ou prolongées par celles-ci, s’avéraient et s’avèrent indispensables à la santé des corps enseignants.
 Quoi qu’en pensent certains, la pédagogie, au cœur de l’acte d’enseignement, est l’art de la fraîcheur et du renouvellement pertinent ; elle est aussi l’expression d’une responsabilité créatrice. Et sa réalisation innovante a été soutenue par les enseignants français, sur le terrain. »

extrait d"André de PERETTI, Pour l’honneur de l’École, Paris, 2000, p.165

L’ innovation est comme quelques autres mots magiques, «attracteur étrange», qui jouissent d’ une positivité de prime abord, qui parlent à tous, sans qu’ on puisse en stabiliser une définition; et finalement peut aboutir à des effets en contradiction avec l’intention première. En astronomie, on cerne bien le concept de «trou noir», pourquoi pas l’ innovation en éducation et en formation ?


En 2000, le Salon de l’ éducation à Paris y était tout entier consacré; le ministre avait créé quelques mois plus tôt un Conseil national de l’ innovation pour la réussite scolaire, on allait voir ce qu’ on allait voir; l’ innovation était au centre du système, il fallait même piloter par l’ innovation. 2003,, on lance un grand débat national pour une nouvelle loi d’ orientation (en 2005). Les académies et chaque établissement doivent rendre des moyens; on soumet tout le système à l’ aune de l’ efficacité.


C'est dans l'académie de Paris que nous avions alors célébré les 10 ans de ce dispositif en 2004. Alors une journée nationale ? 2012 (en lien avec un nouveau DRDIE à la Dgesco, MEN), 2024 à présent.


Mouvement de bascule, alternance cyclique, révolution copernicienne, ou soubresaut d’ une arrière-garde ? Il est difficile pour les enseignants de trouver les repères suffisamment pertinents pour comprendre ce qui se passe et dans quoi ils sont pris; à l’ interpréter comme un simple effet de mode, on ne peut trouver en retour qu'au mieux scepticisme, au pire une indifférence agacée, quand les «vrais problèmes» sont ailleurs. Il y a bien un problème de «sens» dans les trois acceptions: signification des concepts, direction en orientation, appréhension des réalités contemporaines.


L’innovation est polymorphe et polysémique.

Les domaines couverts par l’innovation, documentés par les équipes (enseignants et cadres confondus)  sont d’une infinie variété : d’une part, par des approches  variées, culture, sciences, développement durable ou contenus d’enseignement. D’autre part, ce sont souvent des organisations nouvelles (ilots, inversion, groupements). Ces innovations concernent les contenus scolaires, l’évaluation, la mise en réseaux, le développement de nouveaux outils, la création de nouvelles pratiques professionnelles, etc. Elles comportent une dimension technologique, cognitive, humaine, organisationnelle.

Approche, contenus, organisations, ou processus, nous touchons là une caractéristique majeure de l’innovation en éducation, proche des innovations sociales ; celles-ci sont à la fois polysémiques (des réalités différentes pour un même mot, des mots choisis pour une même réalité) et polymorphes (des formes différentes pour un même processus).


Par là même, elles sont irréductibles à une seule définition a priori ; c’est la spécificité revendiquée par les équipes elles-mêmes. Et, sous des mots semblables se cachent des réalités fort différentes selon leur degré de développement ou selon l’intensité du changement opéré.

 

L’innovation est une aventure.

En analysant les milliers d’actions,  nous arrivons à en saisir la dynamique : la démarche s’est construite pas à pas, sans grande programmation ni objectifs (il en fallait un peu pour l’inspecteur ou le comité de sélection), forte de convictions sincères et d’attachement aux valeurs de l’Ecole. L’élaboration progressive et la valorisation de l’action n’a pas été de l’ordre de l’évaluation notatoire scolaire, mais en s’appuyant sur les nombreux retours d’information et sur les résonances des élèves comme des parents et sur l’intérêt porté par les professionnels sollicités. Il y a de la « métis », cette ruse grecque qui permit à Ulysse de se sortir de toutes sortes de mauvais coups rencontrés sur la route. La rationalité de l’exercice est une reconstruction après coup, dans la recherche patiente, dans l’écriture toujours difficile et grâce à des occasions de communication (journées, séminaires, réseaux).

L’innovation, c’est du développement professionnel. 

« Inventer » sa pratique, en faisant l’inventaire des autres pratiques professionnelles ; à défaut d’une formation académique et standardisée, les enseignants ont puisé à d’autres sources, celles juste à côté, en co-formation, d’autres encore, pas très loin de son école ; l’écoute de leurs élèves comme l’analyse des travaux a rythmé son cheminement ; d’une petite classe, ils ont (ap)pris le monde en formation ; les échanges les ont (trans)formés en interaction ; le processus est puissant, celui d’un développement professionnel continu qui inverse la représentation plus classique de l’enseignement (et de l’enseignant) .

« Des enseignants qui apprennent, ce sont des élèves qui réussissent1 » (c’est le titre d’un ouvrage sur le sujet).

Un des puissants facteurs de transformation de l’école serait l’exploration d’un (nouveau relatif) paradigme en matière d’apprentissage professionnel ; le mot et les modalités de la formation s’effacent pour trouver d’autres termes comme « organisation apprenante » ou encore « accompagnement », mis en système dans le concept de « développement professionnel ». Il s’intéresse au processus complexe d’apprentissage professionnel et à la construction de la compétence par, avec et pour les enseignants en engageant les personnels dans des tâches concrètes de réflexion et d’analyse, d’évaluation des pratiques, d’observation des situations de classe : il est d’essence constructiviste, c’est-à-dire en rupture avec un mode transmissif.


Ce n’est pas si simple, elle fait système.

Ces enseignants engagés dans les innovations cherchent par eux-mêmes des solutions en même temps qu’ils réclament un accompagnement plus proche et plus utile qu’une simple incitation de la part des autorités. De plus en plus de ces collègues perçoivent la nécessité de collaborer ensemble dans l’école ou dans le cadre de groupes de développement professionnel pour trouver des réponses collectives aux difficultés rencontrées. Dans la plupart des dispositifs pédagogiques, les enseignants manipulent l’équation de la réussite (maitres/élèves/connaissances/temps/espace) avec la force et la légitimité de l’expérience, pour peu qu’elle soit communiquée, analysée, soutenue et portée institutionnellement.

Ces actions ou dispositifs étudiées  à partir des écrits et des témoignages recueillies auprès des acteurs eux-mêmes partagent quatre caractéristiques faisant système :

  • · une considération positive vis à vis des élèves. Les équipes font le pari de l’éducabilité pour tous, quelle que soit l’origine sociale, ethnique ou culturelle. « Tout le monde est d’accord avec le fait que jusqu’à ce que chaque étudiant ait réussi son examen final, on ne se repose pas ». Concrètement, cette position veut dire que les établissements font attention aux résultats de tous et modifient leurs pratiques d’évaluation, pour qu’elles soient à la fois bienveillantes, étayantes, constructives, « pour » les apprentissages ;

  • ·une différenciation des approches. Les enseignants ont à renforcer une formation à la pédagogie différenciée et former des groupes de compétences. Ce qui compte, c’est « la différenciation, pas la remédiation » ;

  • · le fait de ne pas hésiter à bouleverser l’organisation. L’emploi du temps peut suivre une organisation par sujet d’étude. Par exemple, on a bloqué la matinée pour la lecture et l’écriture. Mais cela intéresse également la répartition des enseignants.

  • une attention portée sur l’importance de la communication entre enseignants. « On va dans la classe d’un collègue tous les jours », affirme ce professeur. Les directions impulsent des groupes de développement professionnel où on partage les expériences parce que « atteindre ses objectifs est vu comme une activité collective et coopérative ».

 

Nombre des actions dans les écoles et établissements, repérées ou non, partagent ces caractéristiques, qui montrent à la fois la complexité du processus innovant, la liaison étroite avec l’organisation du travail, l’impact sur les pratiques et tout l’intérêt qu’en retirent les élèves.

 

On peut s'essayer à cartographier ces mots et les actes qui en découlent ; la voici en carte heuristique, éditée à la manière d'une carte routière et en version interactive avec 50 vidéos de pratiques sur https://www.thinglink.com/scene/608322215900872704 

 


Références « pour aller plus loin »

Régis Forgione, Fabien Hobart et Jean-Philippe Maitre, « Vous avez dit innovation ? », La chronique de Nipédu Cahiers pédagogiques n° 545, https://www.cahiers-pedagogiques.com/Vous-avez-dit-innovation 

Livre du mois du n° 541, Les tâches complexes à la loupe, L’innovation pédagogique, mythes et réalités, André Tricot, Retz, 2017,  https://www.cahiers-pedagogiques.com/L-innovation-pedagogique-mythes-et-realites 

François Muller, « L’ami critique, le meilleur ami des équipes », Cahiers pédagogiques n° 539, Pouvoir d’agir et autonomie, de l’école au lycéehttp://www.cahiers-pedagogiques.com/L-ami-critique-le-meilleur-ami-des-equipes 

Cahiers pédagogiques n°449, Qu’est-ce qui fait changer l’école ?, https://www.cahiers-pedagogiques.com/+-No449-Qu-est-ce-qui-fait-changer-l-ecole-124-+

 

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La compilation des posts consacrés à la question de l'innovation en éducation


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