Cham (Amédée Charles de Noé, dit) (Paris, 26–01–1819 - Paris, en 09–1879), lithographe, 1867, Estampe, Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Faire cours, quels que soient finalement la forme et le style de direction que vous adoptez, engage des interactions importantes entre élèves et enseignant. Diriger une séance, c’est bien souvent s’accommoder d’une certaine improvisation et accepter l’imprévisible. Cependant, plu- tôt que de déclencher malgré soi des comportements et des effets non désirés, il importe tout au moins de connaître quelques processus interactifs en situation pédagogique. Le « pilotage » de classe en sera peut- être facilité pour vous, avec des effets recherchés sur les performances des élèves, osons en parler.
La parole de l’enseignant et ses effets sur les élèves
Dans la classe, la parole de l’enseignant, les échanges avec les élèves ne sont jamais neutres. Ces interactions ont fait l’objet de recherches approfondies menées par Jean-Marc Monteil et Pascal Huguet, chercheurs au CNRS(1). Celles-ci sont fondées sur l’étude de deux pratiques observées:
L’attribution de succès ou d’échec : un enseignant – par une parole, mais aussi par un geste, un regard, une annotation – attribue à l’élève et à son travail, une valeur soit positive (succès), soit négative (échec).
La comparaison sociale : l’effet sur l’élève diffère selon que l’enseignant lui donne une information en situation de « visibilité », c’est-à-dire en public (dans un groupe, dans une classe) rendant ainsi possible une comparaison avec ses pairs, ou au contraire en situation d’« invisibilité », c’est-à-dire dans une relation plus personnalisée, ou dans l’anonymat.
Repérer les situations qui favorisent les performances des élèves
Le tableau ci-dessous croise ces deux pratiques en les conjuguant avec le parcours scolaire et les effets sur la mobilisation de l’attention. Ainsi, les effets produits en termes de performances de l’élève sont très différents.
Voici deux situations très classiques et extrêmes des effets d’actions de l’enseignant sur les élèves.
1- L’enseignant sollicite de façon bienveillante, une fois de plus, le bon élève en classe. Pour celui ci, c’est une attribution de succès en visibilité. C’est habituel ; son attention est alors optimale, ses performances seront très bonnes. Le même enseignant se résigne à interroger le cancre au fond de la classe, en lui rappelant ses notes antérieures devant les autres. Pour celui- ci, c’est aussi habituel : attribution d’échec en visibilité ; son attention n’est pas entamée ; il se montre totalement disponible pour toute autre chose… généralement détourner l’attention de ses camarades.
Le bon s’en sort toujours. L’élève en réussite scolaire arrive à s’en sortir à peu près dans tous les cas de figure, sauf quand le professeur signale publiquement un échec. Encore faut-il modérer cette observation selon les disciplines : c’est le cas quand la discipline scolaire est reconnue comme « importante », beaucoup moins quand il s'agit aux yeux de l'élève d'une "discipline secondaire".
2- Motiver le « cancre ». Alors, quelle est la seule situation où un élève en échec scolaire est amené à se mobiliser ? Pour Jean-Marc Monteil, c’est quand l’enseignant s’attache à faire une attribution de succès en situation d’anonymat ; c’est très inhabituel pour l’élève, sa consommation d’attention sera modérée et pourra produire des performances positives. Si l’attribution de succès avait été en visibilité (on le signale à la classe), l'élève aurait été tenté de jouer son rôle de cancre ou de pitre (à vos dépens), les performances auraient été négatives. Effet pervers d'une bonne intention pédagogique.
Ce post relève d'une mini-série sur ce blog, dont vous retrouvez les épisodes liés ici
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(1) J.-M. Monteil, P. Huguet, Réussir ou échouer à l’école : une question de contexte ?, Presses universitaires de Grenoble, 2002.
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