L’émergence dans notre monde éducatif du concept de « compétence » dans les grands textes fondateurs du « Socle commun de connaissances et de compétences » et des Missions de l’enseignant (BO du 1er janvier 2007, modifié en 2013) doit attirer notre attention sur la facture des écrits « nouveaux », et en 2024, on en parle encore avec parcimonie au moment des validations dans les conseils de classe.
Tous deux liés par leur auteur collectif ou d’inspiration, le Haut Conseil de l’Education, liés aussi par leur date (2006), sont de même facture: à savoir qu’ils délimitent un nombre raisonné de compétences, volontairement réduites, au regard d’autres tentatives de formalisations plus anciennes. Mais ils prennent soin de détailler, de décomposer les éléments constitutifs de la compétence: c’est une combinatoire de connaissances, de capacités et d’attitudes.
Il nous semble que ce soit une transposition toute « didactique », comme on dit dans d’autres milieux, de la matrice de la compétence élaborée par Guy Le Boterf, il y a peu d’années; auteur incontournable de la « navigation par compétences » et expert mondial sollicité dans nombre d’organisations, privées et publiques.
Le Boterf, 1994, propose en cette perspective une définition rigoureuse de la compétence, en termes de savoir combinatoires et suggère de remettre le temps au centre de la compétence :
« L’individu peut être considéré comme constructeur de ses compétences. Il construit ses compétences en combinant et en mobilisant un double équipement de ressources des ressources incorporées (connaissances, savoir-faire, qualités personnelles, expérience...) et des réseaux de ressources de son environnement (réseaux professionnels, réseaux documentaires, banques de données...). La compétence qu’il produit est une séquence d’actions où s’enchaînent de multiples savoir-faire. « La compétence est un savoir-agir responsable et validé, c’est-à-dire savoir-mobiliser, savoir intégrer et savoir-transférer des ressources...
Elle ne réside pas dans les ressources mais dans la mobilisation de ces ressources... elle n’est pas de l’ordre de la simple application mais de la construction ».
Le modèle de Le Boterf combine de manière atomique plusieurs éléments élémentaires; il permet de mieux distinguer la part des savoirs et aussi les ressources, les points d’appui, dans des domaines variés, bien plus variés que le texte du BO, qui tous collaborent à fonder, et à reconnaitre, la compétence…. en actes !
peinture de Jacques Villégié, https://www.cnap.fr/jacques-villegle-0
On reconnaîtra qu’une personne sait agir avec compétence si elle:sait combiner et mobiliser un ensemble de ressources pertinentes:
pour réaliser, dans un contexte particulier, des activités professionnelles selon certaines modalités d'exercice (critères d'orientation)
afin de produire des résultats (services, produits), satisfaisant à certains critères de performance pour un client ou un destinataire
Ces ressources sont de nature variées, complémentaires et souvent combinatoires: c'est à dire qu'elles peuvent se compenser entre elles:
connaissances théoriques savoir comprendre savoir interpréter résistance des matériaux mécanique des fluides
connaissances sur l’environnement savoir s’adapter savoir agir sur mesure connaissance de la structure et de l’organisation et de son environnement professionnel
savoir-faire opérationnels savoir procéder savoir opérer utiliser et gérer une messagerie électronique définir un protocole d’essai conduire un entretien annuel d’appréciation conduire un groupe-projet
savoir-faire sociaux ou relationnels savoir coopérer savoir se comporter savoir relayer et transmettre des messages simples capacité à travailler en équipe pluri-disciplinaire
savoir-faire cognitifs savoir traiter l’information savoir raisonner savoir nommer ce que l’on fait savoir apprendre savoir modéliser une situation savoir raisonner par analogie
ressources émotionnelles ressentir une situation percevoir des signaux faibles
ressources physiologiques gérer son énergie tenir des astreintes
Ainsi, penser la formation, organiser sa propre formation, peut-être parfois accompagnée, c’est s’intéresser de très près aux éléments modulaires, combinatoires qui vont participer à votre développement professionnel. C'est un message pour nos amis formateurs, responsables de formations et autres accompagnateurs: que visent-ils à développer comme ressources dans leur intervention ?
A décoder comme cela, peut-on alors revisiter les différents plans de formation du 1er et du 2eme degré par exemple ? Quelles sont les réponses ajustées ? Et celles que nous devrions construire, si elles n’existent pas encore ? Un des enjeux dans la refonte des dispositifs de formation, initiale et continue.
Le C comme compétence est aussi extrait de l'Abécédaire de la formation, disponible ici en ligne
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